La terre est bleue comme une orange Eluard

Le Bassin d’Arcachon vu depuis un Cessna 172

« Le rêveur a trempé ses doigts dans le bleu. Son corps est désormais de sable.

« On voudrait jardiner ce bleu puis le recueillir avec des gestes lents dans un tablier de toile ou une corbeille d’osier. Disposer le ciel en bouquets, égrener ses parfums, tenir quelques heures la beauté contre soi et se réconcilier. »Jean-Michel Maulpoix Une histoire de bleu.

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Est-ce l’occasion de se réconcilier avec son moi profondément enraciné entre terre, ciel et eau, yin et yang et le Vide Médian de François Cheng. Tout cela se tient par le voile pudique jeté sur la virginité de la courbe de la Terre malmenée, violée et dont le sel de la semence s’échappe entre l’écorce et le zeste d’insouciance dont l’homme fait preuve. Dans ces chemins de vie et de féminité dont j’ai parcouru du doigt les rides sur ta peau de terraciel de terre-à eau, il ne te reste plus que la moitié de moi-même. Tu m’as déjà perdue dans ton combat terre-à-terre  où tu n’as pas recueilli les bribes de bleu qui s’échappaient de  ma corbeille de vie et d’amour. Je te l’avais déjà dit. Je l’avais même chanté. Je te le redis sur les ailes qui m’ont conduite là où je voulais aller :

Je voudrais un monde bleu

Celui des océans et des mers

Je serais le chef de  chœur des flots

Et pourquoi pas

De cœur à cœur à cœur sur les eaux.


Je voudrais un monde bleu

Celui des hauts sommets

Légèrement embrumés.

J’inventerais pour vous

Des vallées de carreaux

Des torrents envoûtants

Des chemins à gravir

Dans l’ivresse de l’abandon.


Je voudrais un monde bleu

Habilement posé sur la palette des peintres.

Au jaune des cultures

Les tracteurs dessineraient

Des destins symboliques

Il suffirait de les emprunter

Et de se laisser guider

En toute liberté.


Je voudrais un monde bleu

Bleu profond hérissé de libellules

Guidant le poumon vert

Des printemps lumineux

Bleu azur, bleu vert

Vert lumière

Là d’où toute vie renaît.


Je voudrais un monde bleu

Partout du bleu

Rien que du bleu.

J’y déposerais par petites touches

Des rouges coquelicot

Des jaunes fulgurants

Et des tournesols

Maïté L

cliquer sur la photo pour voir l’île dans son écrin

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Ma petite île d’un soir

L’écrin où glisser

Ma liberté de penser


Au joyau dans son écrin

Posé sur l’océan du tranchant de la lame

Comme un copeau d’écorce frappé du sceau

De luminescence lunaire argentifère.


Ma petite île d’un soir

L’écrin où glisser

Ma liberté de voler



Aux nuages pesants, à ceux qui apportent

Leur brume semblable aux contrées d’Avalon

Au temps d’automne tissé et métissé

Au soleil venant de ses harmonies colorées

Caresser les ailes, mon prolongement.



Ma petite île d’un soir

L’ écrin où glisser

Mon oubli de quotidienneté



A la terre nourrie des légendes

Aux forêts saignées, torturées ou généreuses

Aux étangs immobiles témoins

Des roseaux fébriles, des pontons invisibles

A la vie millénaire perpétuée.



Ma petite île d’un soir

L’écrin  où glisser

ma liberté de formuler



Le rêve comme un flambeau allumé de mort en mot.

Il n’y a pas de morte saison.


Le 16 octobre 2010

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Cela faisait déjà longtemps que nous avions la  possibilité  de monter en avion au départ de l’aérodrome de Mimizan : un cadeau sympa symbolisé par un bon  d’une heure de vol.  Récemment, la décision fut prise et le pilote  Laurent Aztiria nous invita à gagner l’aérodrome  au jour dit à 18h.

17h 45. Nous voilà sur place à prendre la température des lieux. Toute la journée, le temps fut maussade : pluie dès le matin, puis soleil et gros nuages noirs ; vers le soir le temps semble meilleur. Dans ce pays sous influence de la marée, on ne sait jamais ce que nous réserve le ciel. Nous n’espérions pas un ciel exempt de nuages, habitués comme nous le  sommes  à l’observer!

18 h et des poussières de rêve: nous voilà installés, casque sur la tête, agrémenté d’un micro.  Notre pilote chevronné est instructeur  et totalise déjà  1800 heures de vol, le  co-pilote d’une heures’installe  à ses côtés et je suis à l’arrière, confortablement installée avec mon appareil photo.

Sans  avoir eu le temps de dire « ouf » nous voilà propulsés de manière douce dans les airs : en liaison incessante avec  Bordeaux.

Le défilé des images commence dans la joie : 200 km/h, 600m de hauteur le paysage se dévoile dans un halo de  brume qui lui confère  un certain charme. Je vous rassure cela ne s’apparente pas à l’ivresse des hauteurs mais plutôt à une vision gourmande de terres et d’eaux vues du ciel. Nous longerons le courant de Mimizan et puis la côte landaise en direction du Bassin D’Arcachon. Chaque fois que je me retourne, l’océan a une couleur  grise, métallique que je ne lui connaissais pas. Au loin, à l’abri du cordon dunaire et de la forêt, le chapelet des lacs : Aureilhan, Biscarrosse, Sanguinet, Cazaux et bientôt la dune du Pilat. Celle-ci  a même son arc-en-ciel grâce à un nuage de pluie résiduelle qui passe par là.

Puis se dessinent le Banc D’Arguin, le port et la ville d’Arcachon ainsi que l’île aux oiseaux. Un petit tour au-dessus des cabanes tchanquées, des différents chenaux, des passes et bancs de sable et nous revenons le long de la côte. La dune du Pilat est baignée de soleil, la côte de sable clair à l’aller devient dorée ; les villages sont des trouées au milieu des parcelles de forêt omniprésente  dessinée, agencée avec  le sable des chemins de prévention des incendies : les pare-feu.

Tous les villages ont un nom qui résonne à mes oreilles depuis l’enfance. Avec leurs toits de tuiles rouges  ils apportent une touche de gaieté supplémentaire au paysage.

Nous sommes mi- octobre et le soleil se couche tôt. Nous aurons tantôt  un coucher de soleil orangé et rouge venant caresser l’aile de l’avion avec juste un petit nuage noir, tantôt  la côte fuyant  vers l’infini dans des  teintes plus pastel.

Nous faisons un crochet  en direction de la maison de mon enfance et l’émotion est  au rendez-vous. Je craignais d’avoir mal au cœur en voyant les signes de la dernière tempête mais il n’en a rien été. La végétation  a tendance à recouvrir les traces et c’est une tout autre vision qui s’est imposée à moi.

Nous rentrons au bercail entre chien et loup et le pilote pose l’avion aussi doucement qu’il s’est envolé, sur la piste éclairée.

Le temps de regarder du coin de l’œil une dernière fois l’avion que l’on pousse dans son hangar et de caresser avec sa propriétaire attentionnée l’aluminium des ailes de l’ULM à deux places qui nous emmènera, c’est promis, un de ces jours à la chasse aux photos sans les reflets de la vitre.

Le temps aussi de revenir  sur terre, de façon très conviviale, au bar de l’aérodrome et la nuit noire, très noire  a recouvert toute la beauté du jour dans ces contrées landaises et girondines. Restent les images entachées certes de quelques reflets, d’un peu de brume et de quelques tremblements mais dans les yeux l’amour de la terre et de l’eau vues du ciel. L’Aquitaine est vraiment belle.

Merci à Laurent et Sylvie pour leur professionnalisme, leur  passion qu’ils savent communiquer, leur joie de vivre et cet amour des  nuages et de l’océan que nous partageons et souhaitons partager encore avec eux.

http://aeroclub-mimizan.over-blog.com/

L’île Nouvelle: le village vu de la digue-cliquer pour agrandir


L’automne est ici une fleur d’eau

Un Ô où froufroutent mille vols d’oiseaux

Une rive de canaux creusés sous le vent

Un va-et-vient de langues de terre en mouvement

Et de liquides humeurs s’immiscent dans les creux

Sauvages entrelacs, instables rêves amoureux.

Arrêt sur image et de  partout en stéréo

Nous parviennent beaucoup de chants d’oiseaux

L’homme lutte jour après jour, endigue en travailleur infatigable

Pour préserver et ensemencer la vie sur le fleuve navigable.

Vents, courants et marées façonnent  le paysage

Des îles meurent, des vasards naissent au cours des âges

Sa Majesté l’estuaire fait son lit de fines couches d’alluvions

Et la Garonne charrie son bouchon vaseux depuis l’amont

Quand le courant est faible la vase tombe au fond du lit

Donnant une crème de vase, on se croirait en pâtisserie.

L’île Nouvelle réunion des îles Bouchaud et Sans- Pain

Fut un vaste champ de maïs après avoir connu le vin.

Habitée durant un siècle sur ses six kilomètres

Y vécurent en autarcie jusqu’à 150 êtres

L’île est aujourd’hui un havre magique, un domaine

Où la faune et la flore y sont nommées reines.

Si l’île semble s’endormir l’automne venu

Tout n’est que germes de vie hors de notre vue.

Plus de 150 sortes d’oiseaux y sont  accueillies

Et les routes essentielles de migration font escale ici.

A chaque détour  de la digue en perpétuelle évolution

Des sons étranges, des froissements d’ailes et des plongeons…

Non loin de Blaye et de sa citadelle  de Vauban

Il est une île où l’ on ne voit pas passer le temps.

8 octobre 2010

 

 

La journée est de pluie et le tableau d’île voilé,

La glaise est  lourde au royaume des oiseaux

Des roselières et des palus où l’homme

Pour quelques heures joue les « îlouts »,

Passager  éphémère d’une nature à pas comptés.

Journée grise immaculée au ciel « froncé »

Dit le guide. Taillée dans le matin frileux

A gouttes sur le nez et capuches serrées.

De Blaye  vers la barre verte posée sur l’estuaire.

A l’Île Nouvelle via le ponton nous accostons

La palette émergera  dans les ocres intimes

Les verts légitimes et l’automne virant au marron.

Les gris ne sont pas si gris lorsque à tire d’ailes,

Lorsque dans les roselières se dandinent les hérons.

Première image, une promesse d’île contée

Parfum d’île abandonnée dans le silence momentané.

Le village s’est refermé près du grand chêne déployé

Les maisons craquelées, les chais et l’école isolée.

Nous ne verrons ni  le puits ni la chapelle écroulée

Mais  notre cœur se serre, s’émeut devant le passé.

Nous sommes nous aussi à la merci du batelier

Passeur d’île et de continent, au gré des marées.

Nous marchons  nous aussi dans les pas des « îlouts »

A la rude vie solaire que jamais n’atteignait la gelée

Mais dont la vigne savait l’effet salutaire du pied mouillé.

Restait le tour de l’île Sans Pain. Parfois un œil sur la Gironde se glisse :

Derrière les frondaisons  doucement  elle se dévoile.

L’eau si prégnante et les reflets, ce paysage de marais

D’où  s’échappe en  biais un faisan  jusque là embusqué.

Vol de milans noirs planant hors de notre portée,

A eux le ciel, taches noires virevoltantes sur fond gris appliqué

Et bientôt la mangrove et les branches emmêlées.

Sur la digue il faut se hâter,  voir à nouveau le village se dessiner ;

Mais pouvoir  voler  encore quelques instants précieux et secrets

A cette île au matin en demi-teinte  à peine esquissée

Avant de repasser sur le ponton de bois  et s’en aller

C’est ouvrir  la porte dans la sérénité

A l’archipel de nos rêves perlés. Oserons-nous les avouer ?

Le 8 octobre 2010

à suivre…

lac de Cap de Bos Pessac (Gironde) cliquez pour voir la photo en entier

Les arbres de ma rue commencent à se dénuder.

Le début de l’automne est comme une crème chantilly rendue mousseuse par le vent du sud apportant un supplément sur la carte de l’été. Car l’été ne s’en va pas d’un coup en tournant la page, en lançant la clef des champs au printemps. L’été a des feux ardents qui vont et viennent. Au soleil généreux répondent des envies de voir les couleurs de l’automne. Pour cela, une bicyclette, un appareil photo dans le coffre aménagé tout spécialement à cet effet et  après un salut au Moulin de Noés sur les bords du Peugue asséché en surface mais sentant bon la menthe, seize kilomètres plus loin, j’arrive au bord d’un petit lac  qui a traversé l’Histoire. Autrefois situé à un point de confluence entre le delta de la Garonne et les eaux de l’Océan il avait pour nom Lagune. Non loin d’ailleurs, les anguilles remontaient depuis la mer des Sargasses. Ici croisaient les barracudas et les requins comme en témoignent les fossiles datant de 18 millions d’années trouvés lors de l’aménagement de ce bassin.

L’air de l’automne au soleil de l’après-midi agite tendrement mon billet d’automne que je saisis au vol sur les berges aménagées de ce petit étang. Les feuilles frémissent et parfois se retournent pour mieux saisir les accents gais de l’instant. Un petit arbre rouge, un banc invitant à s’approcher des rides à peine perceptibles à la surface des eaux ; Aucun pêcheur à la mouche fouettée ! Jusqu’au sang des arbres aux feuilles pareillement colorées. Sur le clic de quelques photos, je suis repartie comme j’étais venue, suivant le tracé du Peugue : Bois des Sources, Bois de la Princesse : cette dernière au Bois Dormant s’est-elle endormie sur la voie carrossable romaine située non loin de là menant de Burdigala à La Teste ?

Premier chuchotis d’automne dans le bois.

Le 08 10 2010