Lettres choisies dans le Livre de la mer: Bavardages -3-

 » Chaque cri que nous poussons se perd, s’envole dans des espaces sans limites. Mais ce cri, porté jour après jour par les vents, abordera enfin à l’un des bouts aplatis de la terre et retentira longuement contre les parois glacées, jusqu’à ce qu’un homme, quelque part, perdu dans sa coquille de neige, l’entende et, content, veuille sourire. »

Albert Camus

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BAVARDAGE

Et puis tu sais, jamais je ne t’oubliai, la mer!

Te souviens-tu de ma première voiture?

Une R4 aux sièges en simili cuir et aux pare-chocs chromés.

Elle était chouette même si parfois elle se prenait pour toi,

En faisant des vagues sur le plancher, d’arrière en avant, lorsqu’il pleuvait.

Il me semble bien qu’il fallait freiner à mort

et qu’elle continuait tout droit sans s’émouvoir.

Je ne t’oubliai pas et dès le premier beau jour , je vins te saluer!
Vive la liberté de nos vingt ans!
Mais je m’égare, je m’égare
Car tu te faisais coquine
Cherchant à emmêler ma longue chevelure blonde
A dorer ma peau à la loupe de tes gouttes d’eau!

Il  y avait des matins de nacre et de coquillages

De longues luttes contre le vent entravant la marche

Des sacs de plage rebondis d’où s’échappaient les feuilles noircies

Des bains courageux aux premiers jours de mai trompeurs

Et dans le corps de fine liane toujours la même petite fille

Se multipliant à l’infini dans son attitude humble et souriante

Accueillant les bras ouverts le message tam- tam à cheval sur le présent

Qui lentement s’insinuait dans le creux de sa conscience.

***

La petite fille au bord de la mer

 

De  chaque nuit il faut saisir

Les clés de l’alphabet des lumières

Les consonnes du ciel, les voyelles des vents

Et les lueurs qu’apportent les petites bougies

De la terre.

Au chevet de toutes les lampes

Viennent s’asseoir nos rêves ;

Mangeurs de sombres lames d’ombre,

Ils dansent alors à l’ambre de nos flammes

Car nos ciels ne sont jamais d’éteignoirs ;

Ils se parsèment d’infimes poussières d’étoiles

Allumées en douceur au plafond de nos peurs.

En s’avançant peu à peu vers l’espoir

La petite fille, contre l’arbre posera son livre

De mers, de dunes et de sable

L’échelle de la saison des vents

Qui balaie sans remords les nuages vagabonds

Et leur pesanteur,

Les fonds marins faits de rumeurs incessantes

Et de torpeur ;

Elle gravira quatre à quatre les marches de son alphabet

Dans sa main, chaque jour une allumette.

Pour réchauffer  son cœur.

Dans son cœur, quelques rayons de soleil

Une poignée de mer, une poignée de monde

Et des reflets :

Tant de lueurs à imaginer

Pour peu qu’elle ferme les yeux.

En elle, trouvera-t-elle les chemins du  bonheur ?

 photos Le Grand Crohot et textes:Maïté  L

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Au terme de cette conversation murmurée, mes remerciements à Frantz pour sa suggestion de lecture d’Albert Camus :La mer au plus près

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