C’était avant-hier: LE CHEMIN DES DAMES

deux Dames de France: Adélaïde et Victoire, filles de Louis XV promenaient leurs dentelles, leurs jupons et leurs froufrous  en calèche, entre 1776 et 1789 sur un chemin cahotant, afin de se rendre au château de la Bove, chez leur gouvernante, Françoise de Châlus.On fit donc empierrer, aplanir, damer le Chemin courant sur la ligne de crête entre la vallée de l’Aisne et la vallée de l’Ailette; chemin auquel elles donnèrent leur nom.


En 1914:

le chemin des crêtes ne pouvait qu’être un enjeu stratégique et le nom charmant aux accents rieurs des Dames devint un enfer, le théâtre d’une des batailles les plus sanglantes de l’Histoire.Les troupes allemandes occupèrent les lieux, en firent une place-forte et se retranchèrent dans les nombreuses carrières du sous-sol.

En 1917, le général Nivelle décida d’en finir avec la guerre de position et lança  une vaste offensive qui fut une immense boucherie.Le dispositif du Chemin des Dames était au cœur du système.Les français arrivent à reprendre une part infime de la crête au prix de pertes insensées.

Plus de 250 000 morts pour les Alliés entraînèrent des mutineries qui furent punies de mort.

LA CAVERNE DU DRAGON:

Baptisée Caverne du Dragon (Drachenhôle) par les soldats allemands, cette ancienne carrière de pierre  fut exploitée jusqu’au XIXème siècle.

A partir de janvier 1915, les unités allemandes la transformèrent en une véritable caserne souterraine avec postes de tirs et de commandement.  Des dortoirs, un poste de premiers secours et une chapelle y furent aménagés. Un réseau électrique fut construit et des points d’eau autorisaient même une hygiène minimum.

De la mi-septembre au 2 novembre 1917, les troupes allemandes et françaises cohabitèrent dans la Caverne. Les murs construits pendant l’occupation allemande, pour défendre l’accès à la Caverne et prévenir les attaques aux gaz, matérialisèrent une frontière intérieure lors de la cohabitation.

Située en surplomb des  Lignes françaises, 2,5 km de galeries tentaculaires débouchaient sur sept bouches qui crachaient le feu. la Caverne  du Dragon fut un verrou stratégique âprement disputé.En juin 1917, les français s’en emparèrent dans des conditions cauchemardesques d’obscurité.


Aujourd’hui:

Le bâtiment-musée surplombe la vallée de l’Aisne et offre un panorama exceptionnel sur un terrain accidenté où l’on comprend vite combien les hivers furent rudes et combien les français étaient vulnérables.
La Caverne du Dragon évoque la vie quotidienne du soldat grâce à des moyens modernes d’animation, des objets, des fonds sonores, des vidéos et images d’archives.
La Caverne nous livre  quelques secrets, beaucoup d’émotion. Nous ne sortons pas indemnes d’un tel voyage sous terre dans cet univers pesant et inquiétant.

J’ai trouvé sur le Chemin des Dames quelques coquelicots. Nous étions en été mais ils étaient là,ils nous attendaient, symboliques de la Première guerre mondiale avec le bleuet que nous ne voyons plus guère que dans nos jardins cultivés.

Cette allégorie du coquelicot découle d’un poème datant du printemps 1915 écrit par le lieutenant-colonel  John Mac Cree un médecin du Corps de santé royal canadien qui fut témoin de la terrible seconde bataille d’Ypres. Il s’intitule In Flanders Fields .

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« Pitié pour nous, forçats de  guerre qui n’avions pas voulu cela, pour nous tous qui étions des hommes, et qui désespérons de jamais le redevenir. »

Maurice Genevoix La Boue

à suivre…

Un homme dont le regard est tourné vers sa région lointaine

En ce jour du 11 novembre 2010 ,il n’y a  plus de Poilus pour témoigner de la première guerre mondiale.La grisaille du jour s’accorde au souvenir.

Pour tous les combattants morts pour la France, pour ceux qui sont revenus marqués à jamais

Parce que l’un était mon grand-père paternel, l’autre mon grand-père maternel et un autre encore un grand oncle, parce que mon mari n’a jamais connu ses grands-pères. Parce que la famille de Marithé vécut aux premières loges.

Parce qu’un jour d’août 2009, nous partîmes, avec une guide et amie prénommée Marithé sur le Chemin des dames ou sur le plateau de Californie, je vous livre pudiquement quelques images, empreintes d’émotion:

C’est en larmes que nous sortîmes de la Caverne du Dragon . C’est dans un état d’oppression que nous saluâmes le plateau silencieux sous le vent.

J’accompagnerai mes photos à mots comptés.


Monument des Basques
Inauguré en 1928, ce monument est érigé à la mémoire des combattants de la 36e division d’infanterie composée en majorité de soldats du Sud-Ouest de la France et se situe sur l’arête du plateau dominant Beaurieux et Craonnelle.

à suivre…

En 1940,Hitler et l’amiral Raeder décidèrent de construire une  base sous-marine baptisée Betasom. Beta pour Bordeaux et som pour sommergibili, sous-marin en italien.

Impressionnant vestige de la Seconde guerre mondiale, la Base sous-marine fut construite de 1941 à 1943 pour abriter la 12e flottille de sous-marins de la marine de guerre allemande.

Reconvertie depuis quelques années en équipement culturel par la mairie de Bordeaux, la Base sous-marine accueille des expositions temporaires, des spectacles d’arts vivants ou des soirées événementielles. Sur les 42 000 m2 de cette imposante construction, 12 000 m2 environ sont aujourd’hui ouverts au public.

La base sous-marine est composée de:

-onze alvéoles qui servaient d’abri

-un large couloir équipé d’une voie ferrée de 245 m

-un toit de 7 m d’épaisseur avec un système de double paroi faisant office de pare-bombes.

-600000m3 de béton et une tranchée antichar

-des chambres d’explosion pour lutter contre les bombardements aériens

6500 ouvriers ont travaillé pour réceptionner le ciment, le bois et l’acier venus par voie ferrée de France et d’Allemagne.

Un ouvrier sur trois seulement était allemand.

Un manœuvre sur vingt-six seulement était allemand.

50 ouvriers espagnols, prisonniers républicains ont été ensevelis lorsqu’un coffrage a cédé.Plus de 3000 républicains espagnols ont été contraints de travailler là.

Quelques soldats allemands sont tombés « accidentellement » dans le béton frais au cours de la construction.

Quarante-trois submersibles étaient affectés à Bordeaux.L’édifice a  reçu de nombreux sous-marins allemands, italiens et japonais pendant le conflit.

Lorsque la base sous-marine abritait un musée de plaisance,un collectionneur de bateaux prétendit avoir entendu des cris de détresse. Tous les fantômes du passé ne sont-ils pas définitivement morts?

On ne s’approche pas de la base-sous-marine sans appréhension et lorsque la lumière est parcimonieuse, le noir y est encore plus noir.

La lumière , qu’elle soit chemin menant à 6 milliards d’autres ou bien éclairage des piliers et reflets colorés rend le lieu plus fantomatique.

Certains se sentent mal dans ce lieu. Peut-être faut-il l’aborder  avec une pensée pour le Passé en souhaitant délivrer toutes les âmes errantes pour qu’elles trouvent la paix.

La Ville de Bordeaux a fait le pari d’un vécu culturel à la Base sous-marine. ce lieu ne laisse pas indifférent et je vous laisse parcourir certains de ses recoins éclairés ou non.

http://www.u-boote.fr/bordeaux.htm


Sans lumière


Ou avec quelques lumières pour nous rassurer…

Voir les images telluriques de Jean-Michel Fauquet jusqu’au 5 décembre est un moment exceptionnel .

Vous êtes hors du temps et de l’espace et les objets détournés vous parlent comme les voix qui accompagnent vos pas.

Entre photos, peintures, dessin, noir, blanc, vous plongez dans un monde qui prend racine en vous entre absence et présence.

http://www.aquitaineonline.com/actualites-en-aquitaine/gironde/jean-michel-fauquet-mystere-intemporalite-en-exposition.htm

mes sources: Bordeaux secret et insolite, La face cachée du port de la Lune

Philippe Prévôt

Vous pouvez cliquer sur chacune de mes photos pour les voir en taille originale.

6 milliards d'autres à la Base sous-marine de Bordeaux

Bordeaux, été 2010. La Base sous-marine .

Pénétrer dans ces lieux noirs et gris, froids et humides, glauques et suivre le chemin de lumière qui mène  dans le nouveau monde photographique de Yann Arthus-Bertrand.Après nous avoir sensibilisés à la Terre vue du ciel, il est parti avec son équipe dont Sylvie d’Orgeval et Baptiste Rouget-Luchaire à la rencontre de ses habitants: « 6 milliards d’Autres ».

5600 interviews dans 78 pays.

Tous les habitants de la planète rencontrés ont répondu aux mêmes questions:

Quel est votre métier?

Que représente la famille pour vous?

Qu’avez-vous envie de transmettre à vos enfants?

Quels sont vos rêves d’enfant?

Qu’est-ce que le bonheur pour vous?

Que croyez-vous qu’il y ait après la mort?

Quel est pour vous le sens de la vie?

Quelle est votre plus grande peur?

….

Chaque grand thème: famille,épreuves, amour, rêves d’enfant, peurs…était ici développé dans un container placé dans les tréfonds de la Base sous-marine.Entre cocon illusoire et symbolique matérielle très forte.

Ajoutez à cela la mosaïque qui se reflétait dans l’eau et de temps à autre, un visage et un témoignage poignant qui vous happait et vous clouait sur place.Tout contre l’épaisseur historique de l’eau

Et pour terminer, la salle du making of qui ajoutait un plus par rapport à ce que je possédais déjà et m’a passionnée grâce à son authenticité; le DVD et le livre  accompagné d’une très belle préface d’Albert Jacquard :


« ( ces 6 milliards d’Autres) Eux et moi avons une obsession commune: l’avenir. Cet avenir qui n’existe pas, mais dont nous, les humains, avons imaginé qu’il existera,ils voudraient tous comme moi, l’apprivoiser. Le passé est définitif; le présent nous fuit,seul l’avenir dépend de nous; sachons en faire une aurore.« ‘conclusion de la préface du livre écrite  par Albert Jacquard pour 6 milliards d’Autres aux Editions de la Martinière.


Quel lieu autre que la base sous-marine aurait-il pu mieux symboliser ce passage du passé à l’avenir via par les initiatives du présent? Quel lieu chargé de guerre, de morts dont le souvenir crie dans les tonnes de béton pouvait-il nous inciter à aller à la rencontre de l’autre nous-même?

C’est la part de l’humanité qui est en nous, c’est notre fibre émotionnelle qui vibre, qui pleure, qui se réjouit avec les six milliards d’autres.

Une démarche que j’apprécie dans son questionnement(que j’ai souvent pratiqué par ailleurs) qui par son effet de miroir nous ramène à faire émerger notre propre questionnement. car c’est de cela qu’il s’agit:prendre beaucoup de temps pour ouvrir notre coupe(j’aurais eu d’envie d’écrire notre coulpe) et tendre la main , le regard, le sourire. Oser regarder en face comme certains participants de la Terre qui nous délivrent des messages très précis.

Dans notre monde occidental ou quels que soient nos problèmes, nous avons une vie privilégiée ne serait-ce que parce que nous ne sommes plus en guerre, nous les voyeurs de cette si belle démarche, nous sommes mis à nus.

Nous devenons 6 milliards d’Autres plus ou moins un, ce que nous aurions toujours dû être :une communauté sans frontières, une Humanité d’Humains humains.

à suivre.


Mes remerciements à Jean-Marc Gruard , organisateur de « Balades en tous sens » sans qui nous n’aurions pas fait la démarche d’aller à la Base sous-marine.