«   En tant que sculpteur je travaille essentiellement dans le domaine des idées et non pas avec la matière ou les formes, même si chaque idée exige bien évidemment une matière et une forme mais là n’est pas ma préoccupation principale. »

JAUME PLENSA

*

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Esplanade Edmond Géraud 
The Poets, 2012 (Body Soul, Country,Water fire), résine et acier inoxydable, 800 x 152 x 31 cm

Nous sommes loin des bronzes  de  RODIN, de son «  Penseur «

http://fr.wikipedia.org/wiki/Le_Penseur

ou de sa sculpture « Méditation avec bras »

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***

 « Les Poètes apparaissent comme une suite poétique de » La Llarga Nit », en référence au poème du poète catalan Vicent Andrés Estellés. »

http://www.mallorcaweb.com/magteatre/estelles/1956-71.html

Colo pourra peut-être nous en dire plus sur le poète catalan et le contenu du poème « la Llarga Nit ».

Son blog :

http://espacesinstants.blogspot.fr/

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« (The Poets) Ils se présentent comme des figures de lumière assis sur des mâts, les yeux fermés et isolés dans une position accroupie méditative. Chacun effectue un geste distinct avec ses mains : Body Soul cache ses oreilles, Country, ses yeux, et Water Fire, sa bouche. Ils sont la métaphore de l’énergie interne de la pensée humaine. » (Présentation de l’exposition dans la revue Bordeaux Délices)

 Le symbole des trois singes revisité:

« Les trois petits singes ont été introduits par un moine Bouddhiste de la secte Tendai vers le 7ème siècle. A l’origine, ils étaient associés à la divinité Vadjra.
Mizaru (l’aveugle), Kukazaru (le sourd) et Iwazaru (le muet) exprime le message de sagesse suivant :
Je ne vois pas le mal

Je n’entends pas le mal

Je ne dis pas le mal »

ce que je traduirais volontiers par:

* je cherche à voir ce qui est positif

* J’entends d’une oreille sélective

* Je ne dis que l’essentiel

 

« Selon ce principe et si l’on respecte ces trois conditions, le mal nous épargnera. Ce fut également la devise de Gandhi qui avait toujours avec lui une petite sculpture des trois petits singes »

 Petit clin d’œil :

En visitant le blog de Fifi, cette photo ne pouvait que me faire penser  au symbole des trois singes :

http://aufilafil.blogspot.fr/2013/09/en-famille.html

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 Il suffit ensuite de passer le Pont de pierre, d’attendre la nuit,

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pour arriver, rive droite au pied des trois sculptures, figures à la lumière changeante su plus bel effet.

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  Leur position  me fait penser aux Stylites, en haut de leurs perches qui dans la solitude se tenaient loin des turpitudes humaines  du sol et plus près des dieux.

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Ici, point de prière pour se sauver ou sauver l’humanité mais la solitude et le silence. La vision sera toute différente de jour.

*

« La poésie est une solitude,  et nous sommes des moines qui échangeons des silences ».

                       JEAN COCTEAU

*

Mais aussi :

« Il n’est pas de poésie sans silence ni solitude. Mais la poésie est  sans doute aussi la façon la plus pure d’aller au-delà du silence et de la solitude. Elle ressemble en cela à la prière, pour celui qui peut encore prier. Pour le poète, la poésie occupe le lieu de la prière ; elle la remplace et, en même temps, la confirme ».

                         ROBERTO JUARROZ

***

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La présence voulue de ces trois personnages rive droite, faisant face à l’effervescence de la rive gauche, surplombant le Port de la Lune n’est pas innocente non plus.

On aperçoit de loin les trois poètes aux postures figées, y compris depuis la rive gauche,

l’un « se fait » sourd…

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l’autre aveugle…

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et le dernier muet.

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« Le vrai silence est au bout de mots

Mais les mots justes ne naissent

Qu’au sein du silence »

FRANCOIS CHENG

***

On aimerait se hisser sans bruit à leur hauteur pour lire sur leurs yeux, leurs lèvres ou leurs oreilles les messages écrits. Leurs forces s’unissent finalement en un seul personnage dont on suit l’évolution dans la méditation, afin d’arriver à  une maturité de la pensée  ou bien à l’inaccessible étoile.

*

 « L’univers est une catastrophe tranquille, le poète démêle, cherche ce qui respire sous les décombres et le ramène à la surface de la vie ».

                         SAINT-POL  ROUX

 

Plus que jamais vrai dans notre monde actuel, dans les jours sombres que nous vivons ; il est nécessaire de prendre du recul, de fuir l’excitation médiatique, de sentir le poids de la réflexion.

THE POETS, dans » la Llarga Nit », « in the Long Night » ne  sont-ils pas  proches, de  HOUSE OF KNOWLEDGE, Place de la Bourse,  aperçue depuis la rive droite:

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Ce sera notre prochaine étape.

***

« La poésie c’est une sculpture du silence »

GUILLEVIC

Il y a de la musique en toutes choses

♪ ♪ ♪ ♫ ♫

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« Il y a de la musique dans le soupir du roseau ;

Il y a de la musique dans le bouillonnement du ruisseau :

Il y a de la musique en toutes choses, si les hommes pouvaient l’entendre. »

 LORD BYRON

♪ ♫ ♫ ♪

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♪ ♪ ♪

Il y a musique et musique

dans les mots et dans les mains

dans les pas et dans les pieds

dans la bouche et sur les sens

dans le ciel et dans le vent

dans la nuit et dans le noir

dans le temps et dans l’oubli

Tempo, tempo, deux croches noire

suspendue à notre portée

pour chanter siffler et lancer

de la musique à toute volée.

Ecoute mon cœur et ton corps

mon âme et ses je t’aime

sans drame, sans blâme

pour une blanche si blanche

dans la nuit noire

et le silence accroché à ma peau.

Il y a plus de musique dans mes gestes

que dans la houle du printemps.

Il y a plus de mots en maraude

que d’accroches au balcon de l’hiver

et le silence colore les blancs

à la marelle des sentiments.

Maïté L

♫ ♫ ♫ ♪

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♪ ♫ ♪ ♪

Au Jardin public : Invitation à la méditation

 

The Heart of trees, 2007, bronze, 7 figures, 99 x 66 x 99 cm

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Sept personnages assis sur de petits monticules, dans la position qu’adoptent souvent les sculptures de JAUME PLENSA.

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 Sept hommes, un chiffre magique à mes yeux pour une installation entre l’Orangerie et le Museum.

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♪ ♫

 Entre sieste à l’ombre des lettres, pique-nique et lieu de rencontre des passants il a fallu sept jeunes arbres, au milieu des canards.

♪ ♪

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♫ ♫ ♫

Arbres d’avenir, enlacés, embrassés, faisant corps avec les bras et les jambes des personnages tatoués de passions.

♪ ♪ ♪ ♪

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♫ ♫ ♪

Sept humains qui nous offrent leur peau de bronze, le nom des musiciens préférés de JAUME PLENSA dans une communion de l’homme avec la nature et la musique.

♪ ♫ ♪

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« La nature est un temple où de vivants piliers

Laissent parfois sortir de vivantes paroles :

L’homme y passe à travers des forêts de symboles

Qui l’observent avec des regards familiers »

BAUDELAIRE/ CORRESPONDANCES

♪ ♫

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♪ ♪ ♪ ♫

Place Saint-Pierre :Notes, notes de musique

Ainsa I, 2013, acier inoxydable et pierre, 320 x 215 x 380 cm

Collection Mildred Lane Kemper Art Museum, Washington University in St Louis, University purchase, Art on Campus fund, 2013, USA

♪ ♫

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♪ ♪ ♪ ♪ ♫

« De la musique avant toute chose »

écrit VERLAINE dans son « art poétique ».

Même si parfois cette citation a été mal interprétée, elle accompagne ici les notes auxquelles s’accrochent les enfants et que font retentir les musiciens de nuit, sur cette place si animée. Ces derniers voyant le parallèle que j’établissais entre l’œuvre de JAUME PLENSA et mon goût pour leur musique, me donnèrent en partant une généreuse et chaleureuse accolade. La musique est un langage universel.

♫ ♫ ♫ ♫ ♫ ♫ ♫……

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♪ ♪ ♫

Notes de nuit pour Marie-Neige

 

C’est pas Mozart pour un empire
Juste la lune à peine voilée
Simple retenue pour des humains si avides.
Les somnambules dans leur chemise humide
N’ont pas apprivoisé le sablier
Des heures éclatées à la pulpe de la nuit.

C’est pas Mozart, Pachelbel non plus
Juste la tendresse soudain sabordée.
On quitte ses rêves à reculons
à l’heure où le matin vient s’attabler
Dans les vagues des draps réchauffés
Où le réveil prend plaisir à sonner.

C’est pas Mozart, pas même un violon
Ni l’humaine voix de la flûte enchantée
Juste une petite mélodie de nuit;
Nos pensées invitées à valser
Au bras tendu de la moindre lueur
Une étoile pour paupières endolories.

C’est pas Mozart. Mais pourquoi pas?
Quand nos lèvres caressent les volutes bleuies
Des fumerolles de graves marais envahis
Par des iris jaunes grandis dans les reflets
De la lune grise tendrement voilée…
Juste quelques notes à peine envolées.

C’est pas Mozart pour un empire.
Mais pourquoi pas? Imaginez
Si la nuit vous invitait dans ses filets
à résonner vos rêves musique,
Des blanches et puis des noires
Sur l’oreiller, leurs joues à peine rosées…


Maïté  L
le 21/04/07

♪ ♪ ♫

Dans le cadre du soutien à l’organisation de l’exposition, le Casino-Théâtre de Bordeaux présente aussi une œuvre de l’artiste :

Silent Music  II, 2013: Silence et musique intérieure

acier inoxydable et pierre, 310 x 230 x 290 cm

♪ ♫

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♫ ♫

« Enfant, l’artiste(JAUME PLENSA) s’installait à l’intérieur du piano de son père pour sentir les vibrations des sons et de son propre corps. Silent Music II rend compte de cette expérience sensorielle silencieuse, avec cette figure humaine constituée de notes de musiques qui, comme les lettres d’un alphabet, symbolisent l’expression d’un langage universel et permettent à l’artiste d’engager un dialogue avec les peuples ».

♪ ♫

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♫ ♫ ♫

J’aime ce chant que nul n’entendra qui hésite
Entre le vent et la vitre entre le silence et le bruit
Ce chant d’âme à peine
Ou de feuilles qui font là-bas l’automne où personne ne va
J’aime ce chant des pas furtifs toujours comme si
Le moindre mot vers toi qu’on ose était un voleur que le jardin déconcerte
J’aime ce chant qui te cherche et se perd
Et se perd dans la forêt transparente des oreilles
Dans une ville à n’en plus finir de portes pareilles
Errante main mouvante qui n’arrive pas à saisir une chevelure dénouée
Navire avant de vivre évanoui

ARAGON/OFFERTOIRE

♪ ♪ ♪ ♫ ♫

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♪ ♫ ♪ ♫ ♫ ♪

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à suivre…♪ ♫

Marina, Awilda, Paula, Sanna, Nuria, Irma  et les autres :

Des jeunes filles à la mère à l’enfant…

« Seul le visage… »

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«  J’ai rêvé ma vie dans le corps d’une felle. »Femme »est un mot bien assemblé, le nom de tout ce qui s’assemble, fait corps et vient au monde. Le nom de ce qui n’est pas mémoire. Le nom de celle qui d’un rien tombe enceinte. Le nom de ce qui souffre chaque fois qu’il se sépare. Un nom courbe qui arrondit le temps. Le nom de la terre même qui nous porte, de l’eau où nous aimons nager et de l’air que nous respirons. Femme : celle qui de toute chose fait un enfant. »

JEAN-MICHEL MAULPOIX/ L’INSTINCT DE CIEL

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Au fil des lectures, j’ai aimé découvrir que JAUME PLENSA aime la poésie et notamment BAUDELAIRE. Ce fut donc l’occasion de relire  en partie ce poète afin de comprendre quels poèmes auraient pu l’inspirer.

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Mais consciente comme ANDRÉE CHEDID que

« Derrière le visage et le geste

Les êtres taisent leur réponse

Et la parole alourdie

De celles qu’on ignore ou qu’on tait

Devient Trahison

Je n’ose parler des hommes je sais si

Peu de moi… »

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J’ai laissé libre cours à mon imagination qui s’est chargée de faire le vagabondage entre divers poètes qui auraient pu aussi inspirer JAUME PLENSA. Certains poèmes m’ont accompagnée, ont resurgi à maintes occasions de hasard ou de rencontres même éphémères comme celui-ci :

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Mon rêve familier

Je fais souvent ce rêve étrange et pénétrant
D’une femme inconnue, et que j’aime, et qui m’aime
Et qui n’est, chaque fois, ni tout à fait la même
Ni tout à fait une autre, et m’aime et me comprend.
VERLAINE

Mais de BAUDELAIRE, j’ai choisi sans hésiter :

À une passante

La rue assourdissante autour de moi hurlait.
Longue, mince, en grand deuil, douleur majestueuse,
Une femme passa, d’une main fastueuse
Soulevant, balançant le feston et l’ourlet;

Agile et noble, avec sa jambe de statue.
Moi, je buvais, crispé comme un extravagant,
Dans son œil, ciel livide où germe l’ouragan,
La douceur qui fascine et le plaisir qui tue.

Un éclair… puis la nuit! — Fugitive beauté
Dont le regard m’a fait soudainement renaître,
Ne te verrai-je plus que dans l’éternité?

Ailleurs, bien loin d’ici! trop tard! jamais peut-être!
Car j’ignore où tu fuis, tu ne sais où je vais,
Ô toi que j’eusse aimée, ô toi qui le savais!

CHARLES BAUDELAIRE. LES FLEURS DU MAL

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Il y a toutes ces femmes de la rue, ces inconnues plurielles qui gourmandes, avalent le temps en courant d’air, sans s’arrêter devant les statues de bronze et puis toutes celles qui se souviennent du visage lisse de leurs vingt ans, celles qui aimeraient s’entretenir avec JAUME PLENSA pour croiser les mots en poésie ou qui cherchent dans les prunelles de PAULA ou de SANNA les reflets de passion croqueuses de vie. Il y a toutes celles que ces femmes de bronze, d’encre ou de résine touchent au cœur parce qu’elles sont dans le  sillage de  LA FEMME dont le mouvement est amplement suggéré.

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« Entre l’instant vécu et l’instant à vivre,

S’inscrit notre visage éternel. »

ANDRÉE CHEDID/Tels que nous sommes

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Il y a tous ces dialogues entre hommes et femmes de la rue et les sculptures, ce chant entre la mère et l’enfant dans les estampes.

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…Ecoutons en silence  ANDRÉE CHEDID évoquer ce dernier tableau :

« Ma lande mon enfant ma bruyère

Ma réelle mon flocon mon genêt,

Je te regarde demain t’emporte

Où je ne saurais aller. »

ANDÉE CHEDID/ Brève invitée, à ma fille

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Et puis la nuit enveloppe la ville et les sculptures.

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Elle moule les femmes au visage de flamme

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comme une bougie qui leur dessinerait une aura.

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Dans leur grotte de lumière

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Elles ombrent le ciel

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Des fleuves lisses qu’épargnent les affres du temps.

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« L’homme qui combat avec armes et lanternes,

L’homme qui succombe, plaies et cavernes,

Renaît avril des batailles ,

Bleu des larmes, profonde fleur.

 

Seul le visage est notre royaume,

Son jour traverse nos nuits. »

ANDRÉE CHEDID : Seul, le visage

(à suivre)

 

 

 

     

« Mon semblable

Mon autre

Là où tu es

Je suis »… ANDRÉE CHEDID

       

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  REFLETS      D’HIVER

 

 Dans le gris du ciel jusqu’à la pointe du soir

       Je note sur l’ombre portée à bras le corps

               Les reflets mêlés, tête à tête,

                         Comme des paroles enrouées de chien errant.

 Et puis, la paresse sur la langue

                       Et les mots,

                     les phrases réverbères

              Creusés dans le lit froid de l’hiver.

L’humidité stagne sur la lame du ciel

Et sous les pas s’entend l’écho des draps froissés .

Les points de rupture, en aiguilles et  suture,

Les derniers grains de sel fondent en éclats d’absence.

          Gris, gris, tout est gris.

                  Les arbres ont déposé les armes

                            Dans la courbe stérile du néant.

Tout s’en va ; rien ne s’étale en palabre ;

Les accents vrillent sang sur la frange

Aux berges du promeneur esseulé.

                          Nerfs,

                               nervures,

                                      pensées déracinées

L’onde est muette en bulbes et frissons.

                              Les feuilles .

                      Passe une flottille linéaire,

                   Les feuilles et rien d’autre

            Je, tu sur l’autre rive

L’impossible,

           l’homme

                   et les faits

                                   divers.

***

 

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©Maïté L/ avec le concours involontaire des ombres et reflets d’hiver, pêle-mêle sont suggérés: Claire Adelfang, Germaine Richier, Othoniel et Nerwenn.à l’exposition « La Belle et la Bête »/ Institut Culturel Bernard Magrez, au Château Labottière/ Bordeaux

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ou les mots sur quelque autre rive du songe.

*******

Dimanche 13 mars: petite promenade en vélo avec pour objectif d’aller voir le miroir d’eau et les quais.

Mais voilà, ces lieux sont pris d’assaut à cause de la fête nautique: la foule, le bruit et l’impossibilité de circuler en vélo sans risque pour ma main droite bandée nous font fuir vers des lieux plus sauvages, plus préservés. Ce fut d’abord vers la plaine des sports de Saint-Michel que nous découvrîmes cette vue du Pont de Pierre.

Puis nous avons pris la décision de passer sur le Pont de Pierre et d’aller rive droite jusqu’au chantier du nouveau pont.

C’est là que nous avons  fait une belle rencontre colorée: le Parc aux Angéliques. Je n’ ai pas aperçu les angéliques(mais ça viendra) car mon regard a été happé par la vue des prairies fleuries .

Beaucoup de vent et les fleurs ondulaient à qui mieux mieux  en bord de Garonne.

Ce parc ponctué d’arbres est une riche idée. nous avons eu plaisir à y flâner à l’aller comme au retour.

Chemin faisant, nous sommes arrivés près du chantier du Pont Bacalan-Bastide nommé ainsi provisoirement du nom des deux quartiers qu’il reliera. La bataille pour son futur nom fait rage actuellement.

Et pour terminer, juste un petit détour à La bastide du côté du Pôle universitaire de Bordeaux 4 des Sciences de Gestion pour admirer les rosiers.

Je voulais aussi simplement vous dire que je ne suis pas très présente en ce moment et que si je viens vous lire, je laisse peu de messages car je dois reposer ma main droite, porteuse d’une attelle immobilisant le pouce et le poignet…pour un certain temps.

Bien des pensées pour vous tous.

Maïté L

 

Le Miroir d’eau et Le Belem dans le port de la Lune

Boire la nuit jusqu’à faire tinter l’or des voiles et des clochers.

Soudain une trappe s’ouvre sur le monde d’en bas.

L’escalier se dévoile tandis que sur le miroir fusent des dialogues d’eau

Comment  marche le plus grand miroir d’eau du monde et ses 3450m2?

C’est d’abord un grand hangar souterrain qui me fait penser à la Base sous-marine

une machinerie hydraulique

des vannes, des tuyauteries impressionnantes

une gestion de l’eau recyclée et traitée pour l’hygiène

900 injecteurs

des travaux antirouille, colmatage des brèches…chaque année.

Mais nous approchons de l’immense bassin où l’eau est stockée avant de recommencer le cycle brouillard/brume en surface

Voyez l’échelle qui y conduit.

L’eau est stockée en sous-sol dans un réservoir de 800 m3. Elle remonte en surface à l’aide de pompes, remplit une centaine de canalettes disposées sous la dalle puis déborde à travers les joints pour se répandre sur toute la surface. Au bout d’une durée programmée par ordinateur, un système d’électro-vannes permet à l’eau de redescendre dans le réservoir afin qu’elle reprenne sa bonne température . C’est alors que peut s’enclencher l’effet brouillard.

Le bassin se remplit. Nous n’avons pas eu besoin de bouée ni gilet de sauvetage car nous nous sommes tenus prudemment en haut de l’échelle.

Au-dessus de nos têtes, on attend impatiemment le prochain cycle: c’est pour bientôt!

 et dans la profondeur du hangar souterrain où ce que vous voyez là n’est qu’un petit aperçu de toute la machinerie, on se prend à rêver de ce qui se passe au-dessus de nos têtes:

la dalle et son mystère révélé par le fontainier de la ville amoureux de ses fontaines: je l’en remercie. Il ne saura jamais comme j’aime ces balades souterraines: la deuxième du genre.

Dis papa, mon regard tout de rêve et d’attente

ma découverte de la fleur de brume

des gouttes jaillies des entrailles de la ville

Dis papa j’avais déjà une ombre

j’ai maintenant un reflet des orteils jusqu’au bout du nez.

La voile à peine éclose du soir

tu souris, tu te penches

ce reflet sous la lune

et les flonflons de la fête

est-ce toi Belle Endormie qui pars

Est-ce toi belle danseuse qui me donnes ton reflet

Toutes voiles dehors sous le vent

Le soir d’orient surgit s’élève

se dessine entre Garonne et desseins sublimés

La rose d’indigo de François Cheng a rejoint l’arc-en-ciel.

Il y eut ce soir-là un orage mémorable

Sur le miroir d’eau;

Toutes voiles dehors, la ville et le Pont se firent d’or

Saint-Michel et sa flèche

Le Belem pour quelques heures encore

Entre brume et lune

la nuit

de rose indigo

la nuit de vraie poésie

l’indicible

miroir

celui qui mêle les rives

du rêve

pures rives

roses eaux

Brins de fièvre

mémoires d’or.

Maïté L

***

« L’être voué à l’eau est un être de vertige. Il meurt à chaque minute, sans cesse quelque chose de sa substance s’écoule…

L’eau coule toujours, l’eau tombe toujours, elle finit toujours en sa mort horizontale. »

Bachelard/L’Eau et les Rêves

***

***

Lorsque l’architecte-urbaniste Michel Courajoud a réalisé en 2006  cet espace constitué de dalles  de granit entre la Place de La Bourse et la Garonne, il ne pensait pas que le miroir de cette belle fontaine susciterait un tel engouement. Petit clin d’œil à Venise et à la Place Saint-Marc, désir de faire que la ville se dédouble dans son miroir jour et nuit et s’ouvre au monde de l’imagination en tutoyant le ciel, le concept allait enchanter les spectateurs au-delà de toute espérance et porter aux quatre coins du monde cette parole d’eau, de fraîcheur  et d’humanité se dégageant de ce paysage urbain.

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***

 

Aujourd’hui, plusieurs villes françaises comme Nantes et Nice mais aussi étrangères comme Québec ou Brasilia souhaitent bâtir un projet similaire. Des pays comme la Chine ou la Russie s’informent.

Le miroir d’eau fonctionne en dehors des périodes hivernales, en l’absence de gel et de vent signalé par le biais de capteurs.

***

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Sur la dalle sèche aux couleurs d’ardoise, de 130 m sur 42m, se met en place un cycle de 15 mn conduisant à l’effet magique. Un chuintement caractéristique annonce les volutes de brume ; elles sortent d’abord des buses de la dalle jusqu’à produire un brouillard donnant une dimension nouvelle au  paysage tout comme aux personnes attirées ici, comme par des aimants. Puis, la brume s’estompe, bientôt deux centimètres d’eau  recouvrent les dalles de granit pour cet effet de miroir d’eau qui s’accompagne d’un aspect hautement ludique pour petits et grands.

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Le miroir d’eau est le passage obligé des touristes venus admirer les reflets de  la Place de la Bourse de jour comme de nuit. Il est aussi l’accroche du regard des bordelais qui se promènent sur les quais si agréables depuis leur réaménagement.

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Michel Suffran se désolait que le brouillard ait déserté Bordeaux : 

« Ces journées hors du temps dans les feuillages duveteux, sont à ranger, elles aussi, au rang des vieilles lunes. »

C’était avant la sublimation de la ville dans sa fontaine d’exception  le jour ou bien lors des nuits de complicité avec la lune, si près du Pont de pierre, sous l’œil des lanternes aux reflets changeants.

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***

Malheureusement ces derniers temps, la proximité du miroir d’eau a été entachée par la disparition tragique de jeunes hommes, par la présence de tous ces jeunes fortement alcoolisés qui en ont fait un lieu de rassemblement à la nuit tombée alors que la Garonne n’est qu’à quelques pas. Il est devenu un problème de sécurité publique et cette situation préoccupe édiles et bordelais.

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 Mais, sous cette dalle, en sous-sol, se cache un mécanisme complexe et sophistiqué permettant d’alimenter le pavage en eau : ce sera l’objet d’un prochain billet.

***

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Maïté L

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Pont aux âmes

Lent, d’arche en arche, le pont de pierre arpente la Garonne.
Sereine, au cours de sa pente elle se trouble s’estourbillonne
Peine à emporter l’importun, s’engironde saumure au jusant,
Tousse et rebrousse vers sa source. Laisse les reflux suivants
Sourdre la renverse. Las ce flot serein s’élance vers l’estuaire.

Sur le pont, de pierre, voitures, hommes fourmis s’affairent,
Argent temps aveugles à la joute, reflet mourant, cormorans.
Silhouette, couples d’amoureux, consentent d’être un instant.
Tablier pontonnier sans source ni estuaire disperse le passant.
D’innombrables sentes sans pardon, promènent leur vestiaire.

FRANTZ

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***

A pas de roses, à pas de roule-ta-pomme, le soir s’offre en calice où plonger avec délice.

Les mains dans les poches ou bien à croque-mitaines accroche-pensées

Le ciel s’enroule autour de l’être, lui, l’immobile se laisse happer;

A fleur de berge, à cache-cache branches dénudées, l’or tinte

Au bord du mensonge de l’été, il ne faut pas se fier

Aux heures bleues, aux pétales jetés à la face de l’hiver

Mais s’arrêter à l’iris velouté, à l’écrin doux du loup

La nuit, la nuit proférée, à petites gorgées miel et souffle

Au pied du Pont, cheminer, baisers tressés de fils myosotis.

MAÏTÉ L

***

***

« Elle est venue la nuit de plus loin que la nuit

à pas de vent de loup de fougère et de menthe

voleuse de parfum impure fausse nuit

fille aux cheveux d’écume issue de l’eau dormante…

***

Mais elle vient la nuit de plus loin que la nuit

à pas de vent de mer de feu de loup de piège

bergère sans troupeau glaneuse sans épis

aveugle aux lèvres d’or qui marche sur la neige. » »

CLAUDE ROY

***

« La Garonne était une faucille d’or apprêtée pour le champ des étoiles »

JEAN-MARIE PLANES

***

***

« Mes yeux vont demi-clos des becs de gaz tremblants

Au fleuve où leur lueur fantastique s’immerge,

Et je songe en voyant fuir le long de la berge

Tous ces reflets tombés dans l’eau, comme des pleurs, » »

EPHRAÏM MIKHAËL(1866-1890)

Je ne pouvais clore cette balade autour du Pont de Pierre

Sans vous dire qu’aucune couleur n’a été modifiée.

Je tiens à remercier:

Yves SIMONE, guide passionné de Bordeaux

et citer tous les livres qui m’ont aidée:

Je vous écris du Bordelais:Textes recueillis par Jean-Claude Garnung/ Préface par Alain Juppé

Balade en Gironde, Sur les pas des écrivains/ Préface de Claude Villers

La Bastide ; mémoire en images /Francis Moro, Brigitte Lacombe/ Editions Sutton aimablement prêté par JOSETTE

Le Festin/ Hors série : un tour de ville en 101 monuments.

Merci aussi à tous les poètes qui m’accompagnent de leurs mots, les célèbres et les amicaux comme Frantz.

Un lien complémentaire de ce que j’écris ailleurs vous permettra d’en savoir plus sur LA BASTIDE:

http://www.maisondes5sens.fr/article-balade-en-tout-sens-a-la-bastide-avec-yves-simone-98496037.html

Merci à vous tous qui avez eu la patience de me suivre jusqu’au bout.

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13 décembre 1945

« La nuit, la neige est soudain tombée,

le matin  commence avec des corbeaux

qui s’envolent de branches toutes blanches.

Hiver à perte de vue dans la plaine de Brousse:

on pense à l’infini sans fin ni commencement.

Ma bien-aimée,

la saison a changé d’un bond

et sous  la neige,

                         fière et laborieuse,

                                                               la vie va son train.

Être dehors  maintenant

lancer mon cheval au grand galop vers les montagnes…

–« Tu ne sais pas monter à cheval! » me diras-tu.

Mais assez plaisanté et ne sois pas jalouse.

Une manie nouvelle m’est venue en prison:

j’aime la nature– bien moins que je t’aime.

Et vous êtes toutes deux loin de moi. »

NÂZIM HIKMET/ IL NEIGE DANS LA NUIT

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Il neige

Incroyables papillons d’hiver

Ont embrassé lavande papillons d’été

Baiser de feu dans

Petit matin dans

 la lumière ocre

Un rideau de virgules serpente

D’étoiles blanchies une à une

Autour du lampadaire

A la poudre du mythe

Un souffle de silence

Froid-mais est-ce vraiment le froid ?

Frais- sous la main, sous la langue

Petites vagues à suivre des yeux

Et puis bientôt tout est lisse

Craque sous les pas

Marcher fait crisser la neige

Qui danse encore avant l’oubli

et glissent les heures

D’infini silence, blanches heures

Qui

Pas après pas mènent

irrésistiblement vers

 le Pont

Immuable sur Garonne figée

Aux abords les mouettes criardes

Et les passants étonnés

D’image en image le jour se consume

Au bord de la parenthèse habillée de telle parure

Le Pont s’immobilise et givre : il est mi-jour

Solitaire

Soliloque

 sur bords d’eaux

Une fois n’est pas coutume.

Maïté L

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Tant d’années à Bordeaux et je n’avais encore jamais vu le centre ville sous la neige. L’occasion était trop belle de suivre les rails du tram déserté, de regarder glisser les luges et les vélos, de saluer les bonshommes de neige, de prendre possession de cette ville livrée aux piétons. Mais il ne faut jamais oublier, malgré les contours ouatés qui semblent aplanir les réalités qu’

« Il neige dans la nuit.

Ce soir peut-être

                                    tes pieds mouillés

                                                                         ont froid.

Il neige.

Et alors que je pense à toi, 

                                                   à l’instant même,

                                                     une balle peut te trouer le corps, là,

Et alors, c’est fini,

ni neige, ni vent, ni jour, ni nuit…

Il neige.

Et toi,

            qui déclaras « No pasaran »

avant de te planter

                                    devant la porte de Madrid,

                                    tu existais sans doute. »NÂZIM HIKMET (25/12/1937)

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Allez donc savoir pourquoi

simultanément

les pensées se télescopent…

Il neige dans la nuit

Il neige au point du jour

Mais…

Avons-nous beaucoup avancé dans le monde?

La blancheur du temps  a son revers noir.

tous ceux qui sont dans la misère ici, à notre porte

N’ont même pas le regard que nous accordons aux bonhommes de neige.

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S’il suffisait de passer le Pont!

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Il est un second phénomène, mais ce n’est peut-être, lui, que l’autre face de la nuit, son négatif de blancheur. Le brouillard…En ce temps-là, une inondation vaporeuse, une opaque buée débordait le lit du fleuve, transformait en spectres grues et hangars, gagnait implacablement les quartiers proches des quais, la ville entière. Bordeaux, comme Saint-Pétersbourg, connaissait alors « ses nuits blanches. Elles n’étouffaient pas seulement les formes, mais aussi les sons, les voix, les réduisant à leurs propres échos…. »

 Michel Suffran

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Parfois le Pont se fait sombre

Le temps d’un ciné

Dans le brouillard la ville s’estompe

Au temps minéral bordelais s’unit

Avec une douceur qui n’est que lacis

Le temps folle  bille en tête

Le jour s’effiloche et tombe dans l’oubli

Le temps d’une bulle légère

Les passants frileux se pelotonnent

Le temps d’un carillon en folie

Bientôt ténus comme des ombres

Le temps d’un rêve

Grise grisaille muraille au fil rompu

Le temps d’un abordage

Avec le ciel de cendre uniformément repenti

Au  temps des roseaux

Les voix tombent en à-plats et ne portent plus

Le temps d’une ritournelle batelière

L’écho des cris, des rires, des chants ravalés

Le temps d’une danse

Le tram s’articule, gémit comme voiture hantée

Le temps d’un port relégué

 S’ouvre, se ferme, s’élance, échappe au Lion

Le temps de prendre la clé Deschamps

Et s’en va cahoter vers l’horloge du temps

Le temps Far-Est, d’une gare d’Orléans

Le temps de fermer les yeux.

Maïté L

à suivre, le temps de neige…

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Bordeaux la blanche surgit un jour de la nuit…