Ce mariage de Louis de France, futur Louis VII et d’Aliénor, duchesse d’Aquitaine, que signifie-t-il en termes de territoires ? Tout d’abord la promesse pour le roi d’exercer une influence directe sur des régions où elle n’est pour l’instant que théorique.

Retournons donc dans  le livre Aliénor d’Aquitaine de Régine Pernoud pour prendre toute la dimension de ces moments importants de l’Histoire de France:

« C’est avec surprise que l’on constate que, si le roi possède trente fermes à Marly, un four de verrier à Compiègne, des granges à Poissy et des moulins à Cherisy près de Dreux, s’il lève une taxe sur le marché d’Argenteuil et sur les pêcheurs du Loiret aux environs d’Orléans, les habitants de Senlis se trouvent quittes avec lui quand ils lui ont fourni, pour ses cuisines, les casseroles, les écuelles, l’ail et le sel pendant ses séjours dans la ville. Ses ressources sont ainsi faites d’une poussière de droits qui souvent nous paraissent infimes… »

Or le domaine aquitain, plus vaste que l’Île-de-France, est plus riche aussi. « Opulente Aquitaine, écrit un moine du temps, Héritier de Lobbes,…douce comme nectar grâce à ses vignes, semées de forêts, regorgeant de fruits, pourvue surabondamment en pâturages. » Largement ouverte sur l’océan, ses ports sont prospères. Bordeaux, de toute antiquité, La Rochelle fondée depuis peu exportent le vin et le sel ; Bayonne s’est fait une spécialité de pêche à la baleine.

Le train de vie en Aquitaine est réputé plus fastueux que celui du roi de France.

La Porte Cailhau, porte de la ville, côté Garonne avec un bout du rempart initial à droite

« Après la cérémonie religieuse à la cathédrale Saint-André un banquet dans le Palais de L’Ombrière rassemble près d’un millier de convives « sans compter la foule de peuple qui, aux alentours et dans les basses-cours du château, allait avoir ce jour-là sa part des énormes quartiers de viandes et des pièces de vin distribués à tout venant, comme c’était la coutume lors des mariages princiers.

Ce palais de L’Ombrière, dont le nom évoquait une fraîcheur rassurante en cet été torride, était situé à l’angle sud-est du grand quadrilatère que formaient les remparts de la vieille cité romaine, entre le cours du Peugue et celui de la Devèze….

à l’angle de la rue Sainte Catherine et du cours Alsace-Lorraine, 2 sculptures représentant le Peugue et la Devèze

Le Palais de L’Ombrière a été construit au début du X ème siècle par les ducs de Guyenne. Au milieu du XIIIème siècle, le vieux château fut remplacé par un nouveau palais

Le Palais de L’Ombrière

C’était une forteresse puissante, dominant les rives de la Garonne des hauteurs de son donjon, « l’Arbalesteyre : une grosse tour rectangulaire (18 mètres sur 14) aux murs épais flanqués de contreforts. L’actuelle rue du Palais de l’Ombrière passe juste au centre de ce qui fut la cour du château, qui subsistait encore au XVIIIème, ainsi que la salle principale, l’une et l’autre entourées d’une courtine longue de cent mètres environ et renforcée de deux tours, l’une en demi-cercle, l’autre en hexagone.

La Place du Palais vue depuis la Porte Cailhau

Place du Palais

détail de la Porte Cailhau

Charpente de la Tour

intérieur de la Tour devenue un musée

Assis auprès de cette éblouissante jeune fille en robe d’écarlate qui était devenue son épouse, Louis, comme les chevaliers qui l’entouraient, se sentait un peu déconcerté par l’entourage ; l’exubérance de la foule, plus hardie, plus court-vêtue que celle qui peuplait les domaines d’Île-de-France ou de champagne, le parler de langue d’oc qu’ils comprenaient mal, les manières plus bruyantes, les exclamations plus chaleureuses- tout cela les laissait un peu interdits, et ce n’est que lentement, au cours du banquet, dans l’atmosphère de joie générale, que se comblait la distance entre gens du Nord et gens du Sud… Toute la gaieté méridionale s’y donnait libre cours sous les yeux de la jeune duchesse d’Aquitaine, très à son aise dans un rôle de maîtresse de maison qu’elle était habituée à remplir à la cour de son père. Elle était belle, elle le savait ; on le lui avait dit souvent en vers et en prose…

Ce souverain se présentait sous l’aspect d’un jeune homme un peu frêle, un peu effacé, mais sympathique. Et Aliénor, très sûre d’elle-même, s’amusait de constater, aux regards que le jeune prince levait sur elle, qu’il était éperdument amoureux.

Les fêtes de mariage allaient se prolonger plusieurs jours, selon la coutume du temps. Le va-et-vient était continuel entre Bordeaux et les hauteurs de Lormont où les tentes dressées pour la suite royale apparaissaient de loin, taches éclatantes piquées dans la verdure. Sans cesse les petites barques qui assuraient le passage d’une rive à l’autre de la Garonne traversaient et retraversaient le fleuve. »

«  Seul, dans cette atmosphère étourdissante, Suger gardait le visage soucieux »…

vue du château du Prince Noir depuis l’autoroute

l’entrée au château

Le château a été réhabilité par Norbert Fradin

majestueux. Au fond le Pont d’Aquitaine

Dans les hauteurs de Lormont, on aperçoit encore de nos jours, le château du Prince Noir. Il surplombe le bourg. Aliénor l’a connu car il a été construit vers 1060 par Guillaume VII, comte de Poitiers et duc d’Aquitaine. Elle y aurait séjourné lors de son mariage. J’ai eu l’opportunité de m’en approcher il y a quelques jours à peine.

vue sur le bourg depuis l’entrée du château.

Sur les hauteurs de Lormont se trouve aussi un magnifique parc d’où l’on peut apercevoir la courbe de la Garonne.

depuis les hauteurs de Lormont

 

« Hier j’ai commencé mes courses par une promenade le long de cet admirable demi-cercle que la Garonne forme devant Bordeaux (…)La colline vis-à-vis, à une demi-lieue au-delà de la Garonne, sur la rive droite, est faite exprès pour plaire aux yeux. Elle vient se terminer du fleuve, au village de Lormont, à l’extrême nord de cet admirable demi-cercle. » 

STENDHAL/ mai 1838

à suivre…