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Notes de lecture autour des ponts

« Les gens qui habitent sur les rives sont des riverains, mais ce sont aussi des rivaux. La notion de rivalité signifie que l’on habite sur chacune des rives. Le pont entre les deux rives devient soit celui de la paix soit celui de la guerre, tel le pont d’Arcole. »

MICHEL SERRES

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Il arrive que les deux rives vivent chacune leur vie, se développent indépendamment puis se découvrent, se prennent en compte jusqu’à la naissance d’un pont, avec des intérêts divers.

Longtemps à Bordeaux, seuls des bacs permettaient la traversée de la Garonne avec tous les trafics que l’on connaissait. L’Intendant Tourny, et d’autres ingénieurs ont évoqué des constructions possibles. Mais au XVIIIème siècle, Bordeaux est un des ports les plus importants de France : nous savons pourquoi !il n’y avait donc pas de nécessité de franchissement.

 Le premier pont fut le Pont de pierre en 1822, réalisé à la demande  de Bonaparte, dans ses élans de conquête.De plus, la première difficulté a toujours été de travailler avec la Garonne, ses courants, ses marées et ses fonds meubles.

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A la fin du XIXème siècle, émerge la conception d’un pont transbordeur qui ne verra jamais le jour, alors qu’il faut une demi- journée pour aller du quartier des Chartrons à La Bastide !

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Dans son livre NAISSANCE D’UN PONT, MAYLIS DE KERANGAL s’intéresse à une émotion collective ; construire un pont n’est pas simple depuis sa conception même. Le pont est dans son livre une menace. La construction d’un pont suspendu quelque part dans une Californie imaginaire, à partir des destins croisés d’une dizaine d’hommes et de femmes, tous employés d’un titanesque projet va représenter un télescopage entre ceux qui imaginent le pont, ceux qui le font, ceux qui le refusent, ceux qui l’emprunteront et « ceux qui le rêvent ».

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« Fallait-il encombrer la Terre plutôt que le ciel ? Fallait-t-il démontrer sa force, opter pour un ouvrage puissant, une combinaison de pièces massives, lourdes, tel le pont de Maracaibo ? Fallait-il un ouvrage transparent, aérien, une construction où les structures concentrent en peu d’éléments, une option de finesse tel le viaduc de Millau ? Fallait-il désenclaver une ville ou souder deux paysages, fallait-il surseoir à la nature, utiliser ses lignes ou s’y incorporer ? Le Boa ne sait pas, il veut tout. Il veut l’innovation et la référence, l’entreprise florissante, la beauté et le record mondial. »MAYLIS DE KERANGAL

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Je vous invite aussi à consulter l’intervention de MICHEL SERRES qui a écrit L’ART DES PONTS/ HOMO PONTIFEX (un livre + une intervention)

http://www.unipef.org/docs/2010155835_michel-serres.pdf

 

et dont je cite ici certaines de ses déclarations faites devant les ingénieurs des Ponts, qui me paraissent essentielles :

« Le métier de ma famille, puis le mien et celui de mes frères consistait à draguer la Garonne. Mon père était propriétaire d’une drague dans le milieu du fleuve. Il nous  fallait extraire du fond de la

Garonne du sable et gravier, puis les broyer, les concasser, pour éviter les éclats d’ophite ou de granit.

C’était un métier dur et l’ingénieur des ponts, pour moi, était l’homme qui maîtrisait la théorie d’une pratique que je faisais sans théorie. Par conséquent, je crois que ma vocation intellectuelle, je vous la dois.

J’ai connu des ingénieurs des ponts, clients de l’entreprise paternelle et j’ai compris l’importance de la théorie et du savoir.

J’ai écrit « L’art des ponts » peut-être en pensant presque tous les jours à vous ou à vos prédécesseurs, avec une certaine émotion. J’ai l’impression de vous rendre dans ma vieillesse ce que vous m’avez appris dans ma jeunesse, c’est une sorte de reddition, d’hommage que j’ai à vous faire aujourd’hui. J’ai écrit « L’art des ponts » parce que j’ai été un dragueur, pas comme on l’entend aujourd’hui, mais un casseur de cailloux. .. »MICHEL SERRES

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« A la fin de ma vie, je me suis aperçu que le pont était le bon objet, symbole de la communication, de la relation, que le pont était un objet mais aussi un symbole ou une figure de la communication, c’est bien la raison douce d’existence de ce livre… »MICHEL SERRES

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« Le pont est donc un objet, celui que vous savez construire en tant que pontifex, que pontife, mais c’est aussi un symbole. Je voudrais dire non pas que le pont est un symbole, mais que le symbole est un pont… »MICHEL SERRES

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Le saviez-vous ?

 

« Il n’y a pas une seule coupure d’euros qui n’ait un pont, 20, 50, 100 euros, etc. Personne ne le remarque. Pourquoi y a-t-il un pont sur les euros ? Je suis un peu en colère car le fonctionnaire européen qui a imaginé cela a mis des ponts très vieux, le pont du Gard dans 5 ou 10 euros et des ponts très neufs sur les 100 ou 200 euros, ce qui est absurde. Ils ont mis un pont sur les euros parce qu’ils ont pensé comme moi qu’un pont était un symbole d’union entre des nations qui s’étaient déchirées au cours de l’histoire. L’euro était un symbole d’union entre les nations européennes, et le symbole du symbole était le pont… »MICHEL SERRES

Mais revenons à notre  Pont Chaban-Delmas :

« Le dessin des pylônes symbolise la porte d’entrée du port de la Lune, c’est un symbole de bienvenue à l’entrée de Bordeaux »

THOMAS LAVIGNE, architecte

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La ville de BORDEAUX est indissociable du souvenir de JACQUES CHABAN-DELMAS. Le pont a pris son nom après une polémique, certains s’étaient pris d’affection pour la dénomination Pont BA-BA mettant en avant le lien créé entre le quartier de Bacalan et La Bastide.

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Pour rappel, Jacques Chaban-Delmas a été député de la Gironde de 1946 jusqu’en 1997, puis maire de Bordeaux de 1947 à 1995. Il a présidé l’Assemblée nationale de 1958 à 1969, de 1978 à 1981 et de 1986 à 1988.Il a été premier ministre de 1969 à 1972.

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En 2012, une statue a été érigée en son honneur, Place Pey-Berland .

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 Et puis il y a aussi les poètes: ici APOLLINAIRE,(Sous le pont Mirabeau, coule la Seine…) mais aussi RIMBAUD

« Le pont

Deux dames le long le long du fleuve

Elles se parlent par-dessus l’eau

Et sur le pont de leurs paroles

La foule passe et repasse en dansant »

APOLLINAIRE

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Voici une photo du Bélem, le jour de l’inauguration du pont; cette photo  été aimablement prêtée par Frantz, je l’en remercie.

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Aujourd’hui, Le Port de la Lune se prépare à accueillir  l’arrivée des bateaux pour la Solitaire du Figaro qui débutera le 2 juin. Le Cuauhtémoc  passera en tête, suivi de 42 voiliers,

demain sous le Pont Chaban-Delmas.

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« LES HOMMES CONSTRUISENT TROP DE MURS ET PAS ASSEZ DE PONTS »

ISAAC NEWTON

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Le 24 mai 2010 nous allions, comme beaucoup de bordelais,  en promenade au bout des quais pour lire les panneaux d’affichage et constater les travaux d’avancement du futur pont.

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Puis nous avons gagné la rive droite en 2012 pour avoir une vue du pont en construction depuis les coteaux de Lormont. Le débouché sur la rive droite est encore une friche

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Toutes les occasions d’approcher le futur pont sont bonnes, et nous sommes ravis lorsqu’une croisière amicale à destination de  Bourg ou une invitation de la Ville à faire un tour  dans le Port de la Lune nous font passer entre les piles du Pont.

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Aujourd’hui,

le Pont  en CHIFFRES ET RECORDS c’est:

4m, la largeur des poulies géantes, 50 tonnes chacune;

Il a fallu une grue de 700 tonnes équipée d’une flèche de 90 m.

77 m la hauteur des pylônes qui permettent de lever le tablier à 47 m de haut par rapport au niveau du pont.Côté navigable, 40 câbles qui servent à hisser le tablier.

Les câbles font 80 millimètres et pèsent 2 tonnes chacun.

2520 tonnes le poids du tablier mobile.

39 mois de chantier

106m  la voie navigable offerte aux bateaux.

40 000 tonnes de béton nécessaires à la construction des piles intermédiaires.

6500 tonnes , le poids des charpentes métalliques

440 m, la longueur totale du pont, 117 m, la partie mobile, 45 m de largeur.

11mn le temps que met le pont pour descendre ou monter…sans bruit!

70000 tonnes de terre et gravats dégagés.

Mes sources en chiffres proviennent de la revue

 Hors-série Sud-Ouest

Un pont se lève/ Bordeaux 16 mars 2013

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vous pourrez constater quelques changements: le poste de commande

mais aussi l ‘aménagement des îlots qui s’inscrivent dans un projet ultérieur.

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Je laisse  THOMAS LAVIGNE, l’architecte du PONT le qualifier en 5 mots :

« Élégance, légèreté, transparence, équilibre, monumental »

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***une photo prise le 19 mars ***

Bordeaux et le Pont Levant

Sous le Pont Levant où coule la Garonne

De sauvages eaux friponnes

S’engouffrent comme des lionnes

 Entre ses si  hautes colonnes.

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Et sur le Pont Levant

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Sous le Pont Levant aux allures de géant

S’en vont fiers les navires au vent

Vers la  courbe des roseaux et le couchant

 Mettant le cap sur le large et l’océan.

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Et sur le Pont Levant…

Dans un tourbillon de passants

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Sous le Pont Levant, malgré les apparences

Les poulies déchirent le silence

A chaque jour sa peine immense

La valse du temps épouse l’absence.

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Et sur le Pont Levant…

Dans un tourbillon de passants…

Le regard s’abandonne en rêvant…

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Sous le Pont levant se cachent les pieux

Floconnent en force les eaux parfois bleues

Coule le souvenir des hommes besogneux

A la porte  de la Lune, au balcon des cieux.

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Et sur le Pont Levant…

Dans un tourbillon de passants…

Le regard s’abandonne en rêvant…

 Sur La Ville et son Croissant…

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Maïté Ladrat

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