FONTEVRAUD, 27 juillet 2016
Cela faisait longtemps que J’attendais le moment où j’apercevrais l’ABBAYE DE FONTEVRAUD.
J’avais reçu, dans mes débuts de blogueuse, des photos du gisant d’ALIÉNOR d’AQUITAINE, j’en avais vu la réplique au Musée d’Aquitaine, Alors, je peaufinais ce rêve : aller à FONTEVRAUD.
Et puis, le 27 juillet 2016, au matin, apparut enfin le panneau du village puis bientôt l’ABBAYE.
En pénétrant dans la nef, devant le gisant d’ALIÉNOR, j’ai été submergée par l’émotion. Heureusement, il n’y avait pas encore grand monde. J’ai eu le privilège d’avoir ce face-à-face avec l’image d’ALIÉNOR d’AQUITAINE, le souvenir d’ALIÉNOR rien que pour moi pendant un temps très précieux. J’avais tant attendu cet instant. J’étais comblée.
Bien sûr, je ne suis pas dupe. Il ne reste rien physiquement d’ALIÉNOR mais il reste cependant tant d’elle, l’essentiel, entre les murs où elle a vécu et bien au-delà.
Le souvenir des personnes habite les lieux, malgré tout ce qui a pu éloigner l’ABBAYE de sa vocation première au fil des époques. J’ai vibré devant ces gisants, ne pouvant détacher mon regard de celui d’ALIÉNOR si belle, si digne si élégante et fine, si féminine. Le poids des ans n’a pas de prise sur elle, même s’il en a sur la pierre. Il flotte comme un air de sérénité, une infinie tendresse palpable dans un je ne sais quoi de lumière. Notre petit monde a rendez-vous et aura toujours rendez-vous avec cette grande dame, avec ses failles, ses grandeurs et son destin. Unie, envers et contre tout à son deuxième mari, elle repose aux côtés du roi HENRI II ; Le fils chéri d’ALIÉNOR, RICHARD CŒUR DE LION et ISABELLE d’ANGOULÊME, la femme de JEAN SANS TERRE, leur font face.
ALIÉNOR les éclipse tous : nous n’avons d’yeux que pour elle : Après des siècles, elle nous fascine toujours.
« Le gisant d’Aliénor semble être une des premières représentations en Occident d’une femme à la lecture ». Xavier Kawa Topor, directeur de L’Abbaye royale de Fontevraud de 2005 à 2014.
Il est à noter que le cœur de JEAN SANS TERRE fut aussi confié à FONTEVRAUD.
La journée se poursuivra ensuite avec la visite guidée, puis nous continuerons seuls la découverte de l’immense domaine… Je rapporterai, comme je le fais souvent, non pas un peu de terre mais un petit caillou du chemin.
Le personnage d’ ALIÉNOR a toujours été une source d’inspiration et le poème qui suit s’inscrit dans cette lignée. Il a été composé par JACQUES ROUBAUD, à la suite de sa visite de l’ABBAYE en août 2013. C’est une méditation face au gisant d’Aliénor, à ses yeux fermés, à son livre ouvert, vide. Il invite le lecteur à inventer un livre possible, à méditer sur le néant. Il suit la forme de la sextine.
Les auteurs de l’Oulipo ont été invités à répondre à la question : que lit Aliénor ?
http://www.fontevraud.fr/lelivredalienor/
Le livre d’Aliénor, sextine
Morte, allongée, Aliénor
Dans ses mains de gisante tient un livre
Je le regarde ouvert devant mes yeux
Appuyé sur deux doigts de chaque main
Mais si tout semble prêt pour la lecture
Sur les pages du livre il n’y a rien
Pas un seul mot n’est là, rien
Sur les pages du livre d’Aliénor
Étrange proposition de lecture
Que celle-là, pages blanches d’un livre
Que morte la lectrice eut dans ses mains
Mais qui n’offrent qu’un néant à ses yeux
J’observe de près ses yeux
Il me semble qu’ils ne regardent rien
Sous la violence des siècles la main
A perdu son pouce droit, Aliénor
Perpétuellement soutient son livre
Le regard ailleurs, pour quelle lecture?
Décidées pour la lecture
Les pages grises de poussière, aux yeux
Vont-elles se remplir de signes? Livre
Qu’un ange saurait à partir du rien
Emplir de lumière pour Aliénor
Et guider vers l’écriture sa main
On imagine sa main
Prête à la ‘tourne’ des pages, lecture
De prières, de psaumes qu’Aliénor
Voulait voir toujours offerts à nos yeux
Où ce serait le poème du ‘rien’
Du ‘pur néant recueilli en ce livre
Que chacun invente un livre
Qu’il le confie en pensée à ces mains
Qu’il y médite la leçon du rien,
De la mort terminable, et la lecture
En soit proposée silencieuse aux yeux
De la gisante en attente, Aliénor
JACQUES ROUBAUD