Le Miroir d’eau et Le Belem dans le port de la Lune

Boire la nuit jusqu’à faire tinter l’or des voiles et des clochers.

Soudain une trappe s’ouvre sur le monde d’en bas.

L’escalier se dévoile tandis que sur le miroir fusent des dialogues d’eau

Comment  marche le plus grand miroir d’eau du monde et ses 3450m2?

C’est d’abord un grand hangar souterrain qui me fait penser à la Base sous-marine

une machinerie hydraulique

des vannes, des tuyauteries impressionnantes

une gestion de l’eau recyclée et traitée pour l’hygiène

900 injecteurs

des travaux antirouille, colmatage des brèches…chaque année.

Mais nous approchons de l’immense bassin où l’eau est stockée avant de recommencer le cycle brouillard/brume en surface

Voyez l’échelle qui y conduit.

L’eau est stockée en sous-sol dans un réservoir de 800 m3. Elle remonte en surface à l’aide de pompes, remplit une centaine de canalettes disposées sous la dalle puis déborde à travers les joints pour se répandre sur toute la surface. Au bout d’une durée programmée par ordinateur, un système d’électro-vannes permet à l’eau de redescendre dans le réservoir afin qu’elle reprenne sa bonne température . C’est alors que peut s’enclencher l’effet brouillard.

Le bassin se remplit. Nous n’avons pas eu besoin de bouée ni gilet de sauvetage car nous nous sommes tenus prudemment en haut de l’échelle.

Au-dessus de nos têtes, on attend impatiemment le prochain cycle: c’est pour bientôt!

 et dans la profondeur du hangar souterrain où ce que vous voyez là n’est qu’un petit aperçu de toute la machinerie, on se prend à rêver de ce qui se passe au-dessus de nos têtes:

la dalle et son mystère révélé par le fontainier de la ville amoureux de ses fontaines: je l’en remercie. Il ne saura jamais comme j’aime ces balades souterraines: la deuxième du genre.

Dis papa, mon regard tout de rêve et d’attente

ma découverte de la fleur de brume

des gouttes jaillies des entrailles de la ville

Dis papa j’avais déjà une ombre

j’ai maintenant un reflet des orteils jusqu’au bout du nez.

La voile à peine éclose du soir

tu souris, tu te penches

ce reflet sous la lune

et les flonflons de la fête

est-ce toi Belle Endormie qui pars

Est-ce toi belle danseuse qui me donnes ton reflet

Toutes voiles dehors sous le vent

Le soir d’orient surgit s’élève

se dessine entre Garonne et desseins sublimés

La rose d’indigo de François Cheng a rejoint l’arc-en-ciel.

Il y eut ce soir-là un orage mémorable

Sur le miroir d’eau;

Toutes voiles dehors, la ville et le Pont se firent d’or

Saint-Michel et sa flèche

Le Belem pour quelques heures encore

Entre brume et lune

la nuit

de rose indigo

la nuit de vraie poésie

l’indicible

miroir

celui qui mêle les rives

du rêve

pures rives

roses eaux

Brins de fièvre

mémoires d’or.

Maïté L

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« L’être voué à l’eau est un être de vertige. Il meurt à chaque minute, sans cesse quelque chose de sa substance s’écoule…

L’eau coule toujours, l’eau tombe toujours, elle finit toujours en sa mort horizontale. »

Bachelard/L’Eau et les Rêves

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Lorsque l’architecte-urbaniste Michel Courajoud a réalisé en 2006  cet espace constitué de dalles  de granit entre la Place de La Bourse et la Garonne, il ne pensait pas que le miroir de cette belle fontaine susciterait un tel engouement. Petit clin d’œil à Venise et à la Place Saint-Marc, désir de faire que la ville se dédouble dans son miroir jour et nuit et s’ouvre au monde de l’imagination en tutoyant le ciel, le concept allait enchanter les spectateurs au-delà de toute espérance et porter aux quatre coins du monde cette parole d’eau, de fraîcheur  et d’humanité se dégageant de ce paysage urbain.

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Aujourd’hui, plusieurs villes françaises comme Nantes et Nice mais aussi étrangères comme Québec ou Brasilia souhaitent bâtir un projet similaire. Des pays comme la Chine ou la Russie s’informent.

Le miroir d’eau fonctionne en dehors des périodes hivernales, en l’absence de gel et de vent signalé par le biais de capteurs.

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Sur la dalle sèche aux couleurs d’ardoise, de 130 m sur 42m, se met en place un cycle de 15 mn conduisant à l’effet magique. Un chuintement caractéristique annonce les volutes de brume ; elles sortent d’abord des buses de la dalle jusqu’à produire un brouillard donnant une dimension nouvelle au  paysage tout comme aux personnes attirées ici, comme par des aimants. Puis, la brume s’estompe, bientôt deux centimètres d’eau  recouvrent les dalles de granit pour cet effet de miroir d’eau qui s’accompagne d’un aspect hautement ludique pour petits et grands.

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Le miroir d’eau est le passage obligé des touristes venus admirer les reflets de  la Place de la Bourse de jour comme de nuit. Il est aussi l’accroche du regard des bordelais qui se promènent sur les quais si agréables depuis leur réaménagement.

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Michel Suffran se désolait que le brouillard ait déserté Bordeaux : 

« Ces journées hors du temps dans les feuillages duveteux, sont à ranger, elles aussi, au rang des vieilles lunes. »

C’était avant la sublimation de la ville dans sa fontaine d’exception  le jour ou bien lors des nuits de complicité avec la lune, si près du Pont de pierre, sous l’œil des lanternes aux reflets changeants.

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Malheureusement ces derniers temps, la proximité du miroir d’eau a été entachée par la disparition tragique de jeunes hommes, par la présence de tous ces jeunes fortement alcoolisés qui en ont fait un lieu de rassemblement à la nuit tombée alors que la Garonne n’est qu’à quelques pas. Il est devenu un problème de sécurité publique et cette situation préoccupe édiles et bordelais.

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 Mais, sous cette dalle, en sous-sol, se cache un mécanisme complexe et sophistiqué permettant d’alimenter le pavage en eau : ce sera l’objet d’un prochain billet.

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Maïté L

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Un merle sur l’appentis haut perché

Tenait en son bec des propos printaniers.

Gonflant ses plumes par la pluie froissées

 Et se secouant sans arrêt, comme un prunier,

Il lui importait d’être  bien plus que princier,

De convier dans son royaume, haut et fort

La belle promise à plusieurs couvées

 Et de ses amours se faire le troubadour.

La girouette à tous les vents capricieux vouée

Faillit en perdre l’équilibre et le nord.

Le merle plein ouest ouvrait grand le bec

Gonflait sa gorge, piétinait et d’audace

Trillait, sifflait, et s’assoiffait sur la scène

Avant de redevenir un simple oiseau du jardin.

Il lui fallut bien redescendre au ras des pâquerettes

Boire à petites gorgées répétées car il s’était démené

Et s’ébrouer généreusement dans le baquet  prévu à cet effet.

Devant un public ravi, et qui ne ménagea pas ses compliments,

Il décida qu’on l’y reprendrait à venir réchauffer l’atmosphère

Des jours mouillés d’un temps pas toujours grisant.

Maïté L

 

 

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Photos  à la mode de  chez nous.

Un petit vert, ça va

Deux petits verts, ça va

Trois petits verts, bonjour Printemps!

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CONVERSATION

 

Comment ça va sur la terre ?

–        Ça va, ça va, ça va bien.

 

Les petits chiens sont-ils prospères ?

–        Mon Dieu oui, merci bien.

 

Et les nuages ?

–        Ça flotte.

 

Et les volcans ?

–        Ça mijote.

 

Et les fleuves ?

–        Ça s’écoule.

 

Et le temps ?

–        Ça se déroule.

 

Et votre âme ?

–        Elle est malade,

Le printemps était trop vert

Elle a mangé trop de salade.

 

Jean TARDIEU

Le printemps déferle, va de l’avant, hésite, reflue

Grand vent met des étoiles sur le bleu des flots

Arbustes jaunes , roses ou blancs, soudain

Je guette les coquelicots, les violettes

Qui sortent de terre, poussée de vie

Refoulée la part de l’ombre, le gris silence

Au soir, le merle, ses trilles, les rais de lumière

Gagnent le mur, inondent le moindre recoin.

Pousser du pied les feuilles mortes accrochées

Aux bourgeons ; les bouchées doubles.

Chaque jour apporte du vert tendre

De l’amour sur les branches, des nids à l’abri

De la pie, des gouttes, du bruit de la ville.

Mettre du vert et du bleu, savoir le printemps

Là, sous la main, dans les yeux, dans le matin

Goûter à la douceur du soir, s’asseoir et rêver

Remercier la vie qui s’accroche ici, qui s’épanouit

Quand ailleurs elle n’a pas de prix.

Garder le cap

Quand on vient à désespérer de l’amour, la paix

Et la sagesse. Quand on en vient à désespérer

De la nature humaine. Donner à ses pensées

Du vert printemps, de l’espoir à mâcher,

de l’Humanité, de la Tendresse.


J’accroche le printemps à nos jours: il nous faut tant de roses blanches:

de vigilance

d’oubli

de larmes séchées

d’incrédulité

de vigilance toujours recommencée

de roses blanches tendues

de roses blanches en bouquets.

Maïté L

PS: vous pouvez déposer ici vos roses blanches.


Comme nous quittions les grues dans leur champ doré par la lumière du couchant,un peu plus loin, en pleine campagne, en voilà un, sûr de son effet, qui entreprit de traverser la route devant la voiture. Juste le temps d’attraper l’appareil photo.

Solitaire, l’aigrette garzette échafaude sans doute son plan pour convoler;  en période nuptiale, elle porte deux longues plumes sur la nuque.

La spatule, reconnaissable à son bec avec lequel elle balaie le fond de l’eau de droite à gauche et vice-versa ne craint pas les -8 degrés ambiants.Le Domaine de certes a ce jour-là des allures de banquise.

Monsieur le chevalier gambette est un limicole. Au pays des échasses, rien d’étonnant.

En parfaite tenue de reine du givre et de la glace, le vol de l’aigrette, me semble-t-il se confond avec le paysage. Nous ressemblons à des ours polaires . Les réflexes sont un peu amoindris et l’appareil photo a froid mais l’envol est saisi malgré tout.

Une foulque, deux foulques glissent sur l’eau.

Dans l’équation du soir, sur le lac déserté, l’inconnue X ne gardera pas longtemps son masque (ou alors il faudrait lui clouer le bec).

Quelques rides sur l’eau, un survol de mouette rieuse: les poissons  filent doux.

A moins que l’X rieuse ne se laisse doucement bercer par les clapotis du rivage.

Chut! à pas de velours, nous quittons les lieux.

Nous avons hâte de retrouver chez nous notre couple de merles qui a tenu à nous accompagner jusqu’au portail lorsque nous avons quitté la maison le matin.

La photo n’est pas de très grande qualité mais vous imaginez notre surprise. Là aussi, il a fallu sortir l’appareil photo et la prendre à travers le pare-brise.

Nous avons hâte aussi de retrouver nos amoureux qui en profitent souvent pour se bécoter:

Photos: Maïté L

La route est à nous les  bernaches du Canada!

Promenade au bord de l’eau des oies à tête barrée.

L’ ouette d’Egypte a bien dressé ses petits

Le grand chic: pattes et bec roses

A grands coups de trompette et de sifflements, veuillez-vous mettre en rang!

 Le ballet aquatique peut commencer!

Il existe des arbres à papillons et des arbres à cormorans.

Et des escadrilles de canards suisses

Et puis il y a les solitaires

les boudeurs,

les fatigués

Les étourdis

Ceux qui perdent leur maman dans la foule

Ceux qui font semblant d’être étourdis

fatigués

L’automne 2011 n’en finissait pas d’ étirer sa douceur , aussi les cortèges de grues cendrées  prenaient leur temps pour passer au-dessus de l’agglomération bordelaise .

Quand nous entendions les « krrou, krrou » caractéristiques de leur passage haut dans le ciel, nous sortions pour constater leurs vols en grand nombre et nous restions en admiration devant leur organisation en « V » et leurs  passages des relais.

Mais à l’approche de l’hiver 2011, les grues passèrent jusqu’à fin novembre avec un bon mois de retard par rapport aux années précédentes.

Parfois, nous les entendions de nuit  aux alentours de 22h et je me prenais à rêver.Peut-être avaient-elles du retard et ne pouvant gagner leur escale nocturne, allaient-elles se poser non loin de mon domicile, sur quelque endroit dégagé. Mais bien vite leurs cris cessaient et la rencontre avec elles ne serait pas encore pour cette fois…

L’hiver passa et  dans les conversations revenait la preuve de leur présence ici ou là, dans les Landes de Gascogne.

 

Nous étions au début février lorsqu’en circulant dans le nord des Landes, j’aperçus dans les grands champs dévolus à la culture du maïs une multitude de taches blanches .Je compris assez vite de quoi il retournait.

 

L’appareil photo n’étant jamais loin, si ma vue ne me permettait pas de me faire une idée précise(mais le rêve  pallie aux  manques), j’immobilisai la voiture et je partis vers le champ: des grues étaient là en très grand nombre.J’ai assisté à leur repas et à leur envol .

 

Bien sûr, la distance entre elles et moi était grande et je n’ai pu faire mieux.La grue cendrée a beau être l’un des plus grands oiseaux d’Europe, elle est très prudente. A voir sa taille dans le champ, vous pouvez imaginer la distance nous séparant. N’empêche! J’étais comblée!

 

Nous passons chaque semaine dans le coin et autant vous dire que les semaines suivantes,  j’ai ralenti espérant que le miracle allait se reproduire….Nous avons aperçu des sujets  isolés mais plus de groupe aussi dense.

 

Cependant,la chance m’ a souri une seconde fois lorsqu’un soir ensoleillé, sur la route du retour(une route différente empruntée à dessein) trois grues cendrées s’alimentaient dans les grands champs,en gardant un œil à tour de rôle sur  nous.

 

Une hirondelle ne fait pas le printemps, dit-on, mais les grues cendrées assurément nous préviennent en passant au-dessus de nos têtes que l’hiver arrive ou bien que le printemps n’est pas loin…

 

 

Et bon an, mal an nous les regardons avec émotion lorsque leurs vols se succèdent dans un ciel  si bleu.

un reportage en Champagne-Ardennes:

http://www.youtube.com/watch?v=xOMpeKeaUp0

 

Les oiseaux voyageurs

Les oiseaux voyageurs ont leurs îles,
Leurs enchantements, leur liberté.
Ils planent dans les courants,
Et de leurs figures éphémères trouent le silence
Des hauteurs ouatées de leur univers.

Les oiseaux voyageurs cherchent
Le sable blanc et le beau temps,
Les remous de marée et les planctons dorés.
Ils aiguisent leurs becs dans l’écume du vent,
Et font de leurs pattes un ballet mouvant.

Les oiseaux voyageurs dessinent des rubans
Qu’ils déroulent chaque an, en grand mystère.
Princes des nuages et des nids jamais oubliés,
Ils voyagent sans bagages aux antipodes
Avec le ciel bleu comme seul horizon.

Les oiseaux voyageurs revêtus des rêves des hommes,
S’élèvent cependant légers, emportant nos pensées les plus folles.
De leurs ponts invisibles, alliés du nord, alliés du sud,
Ils tissent le fil des voiles fébriles du printemps
L’éternelle bulle du temps allant de l’avant.
Maïté L

 

Pont aux âmes

Lent, d’arche en arche, le pont de pierre arpente la Garonne.
Sereine, au cours de sa pente elle se trouble s’estourbillonne
Peine à emporter l’importun, s’engironde saumure au jusant,
Tousse et rebrousse vers sa source. Laisse les reflux suivants
Sourdre la renverse. Las ce flot serein s’élance vers l’estuaire.

Sur le pont, de pierre, voitures, hommes fourmis s’affairent,
Argent temps aveugles à la joute, reflet mourant, cormorans.
Silhouette, couples d’amoureux, consentent d’être un instant.
Tablier pontonnier sans source ni estuaire disperse le passant.
D’innombrables sentes sans pardon, promènent leur vestiaire.

FRANTZ

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A pas de roses, à pas de roule-ta-pomme, le soir s’offre en calice où plonger avec délice.

Les mains dans les poches ou bien à croque-mitaines accroche-pensées

Le ciel s’enroule autour de l’être, lui, l’immobile se laisse happer;

A fleur de berge, à cache-cache branches dénudées, l’or tinte

Au bord du mensonge de l’été, il ne faut pas se fier

Aux heures bleues, aux pétales jetés à la face de l’hiver

Mais s’arrêter à l’iris velouté, à l’écrin doux du loup

La nuit, la nuit proférée, à petites gorgées miel et souffle

Au pied du Pont, cheminer, baisers tressés de fils myosotis.

MAÏTÉ L

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« Elle est venue la nuit de plus loin que la nuit

à pas de vent de loup de fougère et de menthe

voleuse de parfum impure fausse nuit

fille aux cheveux d’écume issue de l’eau dormante…

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Mais elle vient la nuit de plus loin que la nuit

à pas de vent de mer de feu de loup de piège

bergère sans troupeau glaneuse sans épis

aveugle aux lèvres d’or qui marche sur la neige. » »

CLAUDE ROY

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« La Garonne était une faucille d’or apprêtée pour le champ des étoiles »

JEAN-MARIE PLANES

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« Mes yeux vont demi-clos des becs de gaz tremblants

Au fleuve où leur lueur fantastique s’immerge,

Et je songe en voyant fuir le long de la berge

Tous ces reflets tombés dans l’eau, comme des pleurs, » »

EPHRAÏM MIKHAËL(1866-1890)

Je ne pouvais clore cette balade autour du Pont de Pierre

Sans vous dire qu’aucune couleur n’a été modifiée.

Je tiens à remercier:

Yves SIMONE, guide passionné de Bordeaux

et citer tous les livres qui m’ont aidée:

Je vous écris du Bordelais:Textes recueillis par Jean-Claude Garnung/ Préface par Alain Juppé

Balade en Gironde, Sur les pas des écrivains/ Préface de Claude Villers

La Bastide ; mémoire en images /Francis Moro, Brigitte Lacombe/ Editions Sutton aimablement prêté par JOSETTE

Le Festin/ Hors série : un tour de ville en 101 monuments.

Merci aussi à tous les poètes qui m’accompagnent de leurs mots, les célèbres et les amicaux comme Frantz.

Un lien complémentaire de ce que j’écris ailleurs vous permettra d’en savoir plus sur LA BASTIDE:

http://www.maisondes5sens.fr/article-balade-en-tout-sens-a-la-bastide-avec-yves-simone-98496037.html

Merci à vous tous qui avez eu la patience de me suivre jusqu’au bout.

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13 décembre 1945

« La nuit, la neige est soudain tombée,

le matin  commence avec des corbeaux

qui s’envolent de branches toutes blanches.

Hiver à perte de vue dans la plaine de Brousse:

on pense à l’infini sans fin ni commencement.

Ma bien-aimée,

la saison a changé d’un bond

et sous  la neige,

                         fière et laborieuse,

                                                               la vie va son train.

Être dehors  maintenant

lancer mon cheval au grand galop vers les montagnes…

–« Tu ne sais pas monter à cheval! » me diras-tu.

Mais assez plaisanté et ne sois pas jalouse.

Une manie nouvelle m’est venue en prison:

j’aime la nature– bien moins que je t’aime.

Et vous êtes toutes deux loin de moi. »

NÂZIM HIKMET/ IL NEIGE DANS LA NUIT

***

Il neige

Incroyables papillons d’hiver

Ont embrassé lavande papillons d’été

Baiser de feu dans

Petit matin dans

 la lumière ocre

Un rideau de virgules serpente

D’étoiles blanchies une à une

Autour du lampadaire

A la poudre du mythe

Un souffle de silence

Froid-mais est-ce vraiment le froid ?

Frais- sous la main, sous la langue

Petites vagues à suivre des yeux

Et puis bientôt tout est lisse

Craque sous les pas

Marcher fait crisser la neige

Qui danse encore avant l’oubli

et glissent les heures

D’infini silence, blanches heures

Qui

Pas après pas mènent

irrésistiblement vers

 le Pont

Immuable sur Garonne figée

Aux abords les mouettes criardes

Et les passants étonnés

D’image en image le jour se consume

Au bord de la parenthèse habillée de telle parure

Le Pont s’immobilise et givre : il est mi-jour

Solitaire

Soliloque

 sur bords d’eaux

Une fois n’est pas coutume.

Maïté L

***

Tant d’années à Bordeaux et je n’avais encore jamais vu le centre ville sous la neige. L’occasion était trop belle de suivre les rails du tram déserté, de regarder glisser les luges et les vélos, de saluer les bonshommes de neige, de prendre possession de cette ville livrée aux piétons. Mais il ne faut jamais oublier, malgré les contours ouatés qui semblent aplanir les réalités qu’

« Il neige dans la nuit.

Ce soir peut-être

                                    tes pieds mouillés

                                                                         ont froid.

Il neige.

Et alors que je pense à toi, 

                                                   à l’instant même,

                                                     une balle peut te trouer le corps, là,

Et alors, c’est fini,

ni neige, ni vent, ni jour, ni nuit…

Il neige.

Et toi,

            qui déclaras « No pasaran »

avant de te planter

                                    devant la porte de Madrid,

                                    tu existais sans doute. »NÂZIM HIKMET (25/12/1937)

***

Allez donc savoir pourquoi

simultanément

les pensées se télescopent…

Il neige dans la nuit

Il neige au point du jour

Mais…

Avons-nous beaucoup avancé dans le monde?

La blancheur du temps  a son revers noir.

tous ceux qui sont dans la misère ici, à notre porte

N’ont même pas le regard que nous accordons aux bonhommes de neige.

***

S’il suffisait de passer le Pont!

***