Mois : septembre 2010
Traces de vie nocturne
La brume accompagnait ce matin-là le lever du soleil. J’entrepris donc d’aller à sa rencontre mais elle s’estompait bien plus vite que je ne progressais.
Je pris le chemin des sables, au-dessus du pipe line, puisque nous sommes au pays de l’or noir.Et je marchai le long de la craste particulièrement asséchée.
Mais bientôt, j’oubliai la brume car à mes pieds s’ouvrait le livre des traces. Je venais tout juste de comprendre pourquoi dans la nuit noire, j’avais entendu des jappements furieux. A l’heure où les animaux de la forêt venaient s’abreuver, s’était engagée une course poursuite.
Je suivis les traces jusqu’au point de rencontre.
Et je finis par apercevoir ce qui restait de brume accrochée à la forêt.
La journée s’annonçait belle. bientôt le sable effacerait cette page de vie, avant d’écrire la suivante.
Une aurore goutte à goutte
Un matin solitaire, je partis en corps-à-corps avec la forêt.Parfois les pins furent témoins de corps-à-cris mais ce n’était pas le cas ce jour-là.
La nuit finissait de s’égoutter sur chaque brin de végétation et la lumière faible, fade, délavée rasait les taillis. Sur le chemin vite effacé, sévissaient les ajoncs m’obligeant à calculer où poser le pied. Entre chien, loup absents et rosée généreuse, je me glissai pour cueillir les présents d’un matin qui flattait mon côté sauvage.
Pourquoi partager un peu de la forêt à la végétation passe-partout qui n’a que la richesse des landes sèches?
Pourquoi compter une à une ces gouttes de pluie, de rosée, de lumière bien à l’abri des sous-bois?
Pourquoi partager cet espace niché entre public et intime?
Si proche des racines.
Comme un premier
.Pas.
Et puis:
.L’ESPOIR.
Landes d’émeraude et de turquoise
Le matin avait commencé comme ceci: par un coup d’œil lancé au ciel. Les nuages semblaient prendre la poudre d’escampette après avoir saupoudré le levant.(Vous pouvez cliquer sur chaque photo pour l’agrandir)
Puis avant midi, je perdis et je retrouvai deux fois ma montre entre les plages du Sud, celle du courant et celles des Ailes. Cela faisait plus de trente ans que je n’avais pas vu Mimizan.
Voici la plage du courant. Le courant vient du lac d’Aureilhan et se jette dans l’océan Atlantique à Mimizan . il sépare la ville du sud de celle du nord.
Si comme moi vous aimez contempler les tons émeraude, turquoise… Vous serez gâtés. La matinée avait été fraîche: les températures étaient proches de zéro et puis rapidement elles redevinrent estivales avant midi.
Baigneurs,surfers, promeneurs s’étaient donné rendez-vous pour des joies simples de septembre.
Au loin un bateau…
ET puis…je vous laisse sur cette vision de la plage des Ailes: » il y a le ciel, le soleil et la mer… »
Les nuages au bord de l’abat-jour
A quelques heures de là, sur une petite route étroite de campagne, sur les champs à perte de vue, le ciel efface les dernières heures du jour.
Les nuages flottent à portée basse et galopent au-dessus de nos têtes. Pas un bruit. Parfois un chevreuil s’aventure, à la recherche d’un point d’eau ou bien un héron fouille le fossé. Au loin, les nuages se font plus pressants en direction de l’océan.
Et j’ai une pensée pour Saint-Exupéry qui connut ces contrées.
Quittant mon village « où la vie s’écoule comme du miel« *, je relis, sur fond de nuages un passage de TERRE DES HOMMES:
« Aussi nous interdisait-on, sous peine des sanctions les plus graves, le survol des mers de nuages au- dessus des zones montagneuses. Le pilote en panne, s’enfonçant dans l’étoupe blanche, eût tamponné les sommets sans les voir.
-C’est très joli de naviguer à la boussole, en Espagne, au-dessus des mers de nuages, c’est très élégant, mais…
Et plus lentement encore:
-…mais souvenez-vous: au-dessous des mers de nuages… c’est l’éternité.
Voici que brusquement, ce monde calme, si uni, si simple, que l’on découvre quand on émerge des nuages, prenait pour moi une valeur inconnue. Cette douceur devenait un piège… »
Texte d’Antoine de Saint-Exupéry
*Citation relevée par Pierrette Ronteix dans son tome I sur Parentis-en Born
Bleu, blancs, l’ombre
Bleu, blancs, l’ombre
Sur l’autoroute du ciel
la fuite linéaire des nuages.
A saute-mouton sur les dents de loup
De la frise du temps
Comme notre vie
Tambour battant.
Noire était l’ombre
Et au loin
S’enhardissait le vent de cime en cime.
Jeu.
Adossée contre le géant
de soixante-dix ans
Me dardaient mille rayons solaires
en plein cœur.
Maïté L
La légende de l’orme de Biscarrosse(40)
Mes remerciements vont à Pierrette Ronteix-Chevody, auteure des livres Parentis-en-Born I et Parentis-en-Born II aux Editions Sutton, qui a accepté de publier ces cartes postales faisant partie de sa collection personnelle.
Première photo: l’orme au début du XIXème siècle.
Deuxième photo: l’orme après la dernière guerre.
Il y a parfois des rendez-vous ratés. Ma dernière rencontre souhaitée avec l’orme fait partie de ceux-ci. Je regrette d’être passée si près de lui sans avoir pu prendre le temps de le photographier une dernière fois.
Le journal Sud-Ouest a publié ces jours derniers un article en forme d’adieu. L’orme est mort, victime de la graphiose qui le rongeait depuis quatre ans. Il s’est endormi l’hiver dernier et ne s’est pas réveillé au printemps.Cet arbre vieux de six siècles porte en lui une partie de l’Histoire et des légendes gasconnes.
Cette histoire se passe au temps du Prince Noir…Vainqueur à Poitiers en 1536, il règne en seigneur sur l’Aquitaine…
La légende de l’orme*
« Vers 1450, Adeline jeune et jolie bergère, promenait en ces temps moyenâgeux son troupeau. Vers midi, lorsque le soleil invitait au repos, elle conduisait ses brebis là où l’eau limpide de la lande leur permettait de s’abreuver. Elle s’étendait volontiers là à l’ombre des jeunes chênes et y croquait paisiblement son pain de seigle au fromage blanc.
Déjà bien des bergers tournaient autour d’elle mais son cœur avait déjà fait son choix. Pierre qui poussait aussi parfois son troupeau sur les rivages du Pit vers le Nord, non pas parce que l’herbe y était grasse, mais parce qu’il y avait Adeline.
Tandis qu’elle faisait quenouille, Pierre du haut de ses échasses, surveillait les deux troupeaux. Ils étaient heureux et venaient là oublier l’oppression de l’occupant anglais. L’automne vint et Pierre dut partir avec son troupeau vers la vallée de l’Adour où les pâturages étaient moins sensibles aux rigueurs de l’hiver. Avant son départ, il promit à Adeline de revenir pour Pâques et de l’épouser à la Saint Marc. Mais durant cette absence, un bel officier anglais se montra très, intrépide à faire la cour à Adeline qui restait insensible à toutes ses avances. Mais les langues commençaient à jaser. L’Anglais ne parvenant pas à ses fins, décida de se venger. Il affirma avoir vu Adeline en flagrant délit de taillis.
En ces temps très sévères sur les mœurs, toute fiancée qui fautait encourait de graves châtiments allant jusqu’au déshonneur public. La calomnie fait toujours son chemin, elle s’insinue et pénètre les esprits semant le doute et l’incertitude. Adeline fut traduite devant le conseil des Anciens. Malgré ses protestations et ses serments rien n’y fit l’Anglais persistait.
Adeline fut condamnée à rester trois jours exposée nue sur un tonneau contre l’orme de la place. Trois jours à subir les moqueries et sarcasmes des passants. La sentence fut du Samedi Saint au lundi de Pâques. Pierre, de retour, entend parler de ce qui se passe à Biscarrosse. Il décide de revenir vite et parvient au pied d’Adeline attachée sur le tonneau devant l’orme. Elle lui crie son innocence. Tout à coup sa tête retombe sur sa poitrine. La honte vient de la tuer.
A ce moment là, juste au-dessus de sa tête à même le tronc de l’arbre apparaît miraculeusement une couronne blanche symbole de l’innocence.
Depuis une couronne blanche fleurit tous les ans au mois de mai au même endroit. »
*inspirée de la légende orale recueillie par l’abbé Lapeyre.
L’orme en 1975
Bien sûr, vous pouvez, comme dans chaque article, cliquer sur les photos pour les voir à la taille normale.
Et vous retrouverez cette légende ainsi que des photos de l’orme en suivant les liens:
http://www.biscarrosse.com/La-legende-de-l-orme
http://krapooarboricole.wordpress.com/2009/04/24/le-vieil-orme-de-biscarosse-landes-la-couronne-de-fleurs-legendaire/
Entre écorce et peau
Entre l’écorce
et la peau
Une douce chaleur.
Et le doigt suit
Pensivement
la géographie
De l’arbre.
Des rides,
Des larmes,
Des rivières,
Des volcans
De laves odorantes
S’agrippent
à ma peau.
****************
Au-delà des apparences
A la recherche du sens …
… Je comprends de l’arbre, l’axe de raison ;
Si l’insensé de l’homme suffisant
piétine la rondeur de la terre,
Sans écouter le langage sous-jacent
Les marques du temps font de l’arbre un prince
Sûr de son empreinte, comme un roc l’hiver,
Il n’a de cesse de tendre vers l’impalpable du ciel.
A la croisée des deux mondes
Son tronc, ce dessein d’écorce, ce parchemin
Où s’écrivent les pleurs, les heures, les souffrances
Garde tout en mémoire, comme un matin aux volets clos.
Il est ainsi,
Pour mieux écouter et sauvegarder le monde
Et page à page il laisse couler la sève libératrice,
Ses branches passant, par-dessus les murs,
Les guerres des hommes, les chevauchées fantastiques
Et Les replis refuges de vies minuscules.
Tronc de solitude, graines de croyances
L’humanité t’embrasse de son regard d’indifférence
Et de ses mains avides vient se nourrir de ta force.
Arbre,
Il faut nous parler de ta verticale quête
Mêler nos humbles mots à tes racines
Enfouies au plus profond de l’invisible matière
Là, où l’homme doute, trébuche et tombe face contre terre.
Au sombre envers du décor, toi, l’arbre
paré d’éphémères jeux de lumière
Arbre refuge de tous les cris étouffés
Arbre espérant la jeunesse des rires d’enfants,
Arbre d’immortalité, nourri de tous les printemps d’oiseaux,
Tu donnes tout simplement
du temps aux temps immémoriaux.
Maïté L
Fragments oubliés
Fragments ici et là.
Papier monnaie du temps qui passe.
Caramel ou anthracite
Bronze craquant sous les semelles
Qui connaît les matins de brume
Accrochés aux pinèdes ?
Plus réelles que les flammes du couchant
Les aiguilles mikado de notre enfance
Enfilez, filez les aiguilles de bois
Et nos mains et nos rêves
Déchiffrent le langage des signes
Le feu dans la gorge
Et au fond la peau tatouée résine.