« Rapproche la marée de mes mains ;
Le sel gris au vert s’électrise,
Les étoiles traîne-sanglot,
Ces glisseuses ont voulu leur chance :
Haute mer déroulant mon linge,
Bas soleil habillant ma mort.
Dans les airs au rouge abandon,
Le meurtre serait-il à l’aise,
O soleil qui blanchis mon linge !
RENÉ CHAR -BELLE ALLIANCE
***
Banalité
Et puis il y eut des éclipses, des regrets
des torrents, par nécessité,
des prairies d’altitude et des lupins
Des matins à frôler les nuages
Des isards bondissants,
Des cascades edelweiss,
Des marmottes printanières
Et des chardons bleus
Des concerts de clarines
Des fraises sauvages
Et bien des orages.
Mais vers toi je revenais
manquaient quelques touches d’embruns
où déposer les chagrins importuns.
Oui parfois je te revenais…
En pleine lumière ou dans la grisaille
Sous les tamaris ou dans un hamac
Comme on retrouve de vieux amis.
J’aurais aimé bien davantage…
Tu demeurais bleu-gris ou couleur vertige
Tu t’endormais au creux de mes nuits
Mes mots te palpaient papier mâché
En bouts de phrases inachevées.
Et puis un jour je m’approchais
Clandestine, car le charme se rompait ;
Il fallait recomposer les notes bleues, les notes de feu
Et franchie la dune renvoyer au loin ses brumes.
Au pays de l’absence et des pas syncopés
Faire coton, faire rivière, creuser le lit
De la complicité et de l’intimité recroquevillées ;
A grands coups d’elle faire lumière
Affronter des déserts les écharpes
Apprivoiser le temps qui perdait pied
Et donner à la main le sens de la caresse :
Sans façon. Sans laisser de trace.
Clandestine.
Jusqu’au bout du chant.
***
Clandestine
en jachère l’hiver
et le cœur tout broyé
entre deux pierres
hérissées d’épines.
Clandestine
des mots évanouis
entre deux soupirs
L’humeur chagrine
épelée à l’écho d’hier.
Clandestine
des rives incertaines
des ponts et des sirènes
où les mouettes
balaient l’âme vagabonde
Clandestine
tu te voiles la face
pour éponger l’été
aux diamants de pluie
sillonnant le grain de ta peau.
Clandestine de vies
Entre parenthèses
d’amour marin inassouvi
la terre de bruyère
écope le sang des soucis
Clandestine du sourire
des étoiles plissant les yeux
l’amer n’est pas montagne
lorsque la marée au ras de la coupe
attend l’aube lisse en rubans soyeux.
***