Lettres choisies dans le Livre de la mer : Banalité -4-

« Rapproche la marée de mes mains ;

Le sel gris au vert s’électrise,

Les étoiles traîne-sanglot,

Ces glisseuses ont voulu leur chance :

Haute mer déroulant mon linge,

Bas soleil habillant ma mort.

 

 

Dans les airs au rouge abandon,

Le meurtre serait-il à l’aise,

O soleil qui blanchis mon linge !

 

RENÉ CHAR -BELLE ALLIANCE

***

Banalité

Et puis il y eut des éclipses, des regrets
des torrents, par nécessité,
des prairies d’altitude et des lupins

 Des matins à frôler les nuages

Des isards bondissants,

Des cascades edelweiss,

Des marmottes printanières

Et des chardons bleus

Des concerts de clarines

Des fraises sauvages

Et bien des orages.
Mais vers toi je revenais
manquaient quelques touches d’embruns

où déposer  les chagrins importuns.
Oui parfois je te revenais…

En pleine lumière ou dans la grisaille

Sous les tamaris ou dans un hamac

Comme on retrouve de vieux amis.
J’aurais aimé bien davantage…

Tu demeurais bleu-gris ou couleur vertige

Tu t’endormais au creux de mes nuits

Mes mots te palpaient papier mâché

En bouts de phrases inachevées.

Et puis un jour je m’approchais

Clandestine, car le charme se rompait ;

Il fallait recomposer les notes bleues, les notes de feu

Et franchie la dune renvoyer au loin ses brumes.

Au pays de l’absence et des pas syncopés

Faire coton, faire rivière, creuser le lit

De la complicité et de l’intimité recroquevillées ;

A grands coups d’elle faire lumière

Affronter des déserts les écharpes

Apprivoiser le temps qui perdait pied

Et donner à la main le sens de la caresse :

Sans façon. Sans laisser de trace.

Clandestine.

Jusqu’au bout du chant.

***

Clandestine
en jachère l’hiver
et le cœur tout broyé
entre deux pierres
hérissées d’épines.

Clandestine
des mots évanouis
entre deux soupirs
L’humeur chagrine
épelée à l’écho d’hier.

Clandestine
des rives incertaines
des ponts et des sirènes
où les mouettes
balaient l’âme vagabonde

Clandestine
tu te voiles la face
pour éponger l’été
aux diamants de pluie
sillonnant le grain de ta peau.

Clandestine de vies
Entre parenthèses
d’amour marin inassouvi
la terre de bruyère
écope le sang des soucis

Clandestine du sourire
des étoiles plissant les yeux
l’amer n’est pas montagne
lorsque la marée au ras de la coupe
attend l’aube lisse en rubans soyeux.

***

 photos et textes:Maïté L

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