LES MOTS D’ALPHATHANOROMEGA:
« Mais entre « un mur d’eau »… et « un mur de lumière… !!!
Il y a le mur du son…
Le coeur joue du tambour…
Une poésie éclot… »
LES MOTS DE RE CHAB
photo: naufragés maliens sur les côtes italiennes
PASSER LE MUR DE L’EAU
C’est sec, épineux, et ici on mange des pierres .
On survit comme on peut .
Et puis ceux qui ne peuvent pas,
Mangent leur désespoir.
–
Ils se décident alors, à franchir le mur.
Un mur différent des autres.
Pas de béton, ni de barbelés.
Il s’étend à l’horizontale, liquide.
–
Tes frères ont embarqué
Dans des bateaux si lourdement chargés,
Qu’ils penchent de leur poids de misère .
La mer, puisque c’est elle,
–
Se termine dans les esprits, quelque part,
Bien au-delà de l’horizon ,
Par des pays que l’on dit riches .
C’est ce que dit la télévision,
–
Le rêve est à portée de mer.
On ne sait ce qui est vrai,
( Ceux qui sont partis ne sont pas revenus ) ,
Le rêve entretient l’illusion,
–
Nombreux sont les candidats,
Ils ont misé leur vie pour un voyage
qui n’a rien d’une croisière :
Ils ont chèrement payé les passeurs
–
Comme en jouant à la roulette :
Faire confiance au destin, aveugle
Sans savoir où il mène.
Les dés jetés sur le tapis bleu :
–
Avec la question
« Coulera, coulera pas ? «
Cela ne dépend plus de toi
Le mur d’eau reste à franchir :
–
C’est un espace sauvage,
Avec tous ses dangers
La progression est lente ;
Elle n’en finit pas
–
On dit qu’il y eut de nombreux naufrages,
On dit, ( car les morts ne parlent pas ) ,
Mais les cris, avec le gémissement du vent,
Ou les vagues hostiles,
–
Qui se lancent avec fracas
Contre la frêle coque …..
Si tu vois un jour les îles,
Des pays étrangers,
–
Tu auras eu la chance, beaucoup de chance,
– remercie les dieux –
De voir de tes yeux
Cette carte postale ! –
–
Que tu pourrais envoyer,
– Si tu survis,-
Une fois arrivé ,
A ceux de ton pays natal.
–
Maintenant, il te faut plonger,
Nager, nager jusqu’à épuisement
Car la traversée ne comprend
pas de canots pour naufragés.
–
Après cette épreuve redoutable,
Migrant, si ton corps
T’as permis d’arriver à bon port,
Te voilà sur le sable .
–
Mendiant de la vie
Avec une dizaine de rescapés .
Ils ont eu comme toi la chance,
Que le hasard leur ait souri,
–
Touristes malgré eux, arrivés
Dans un club de vacances .
D’autres se sont échoués,
Dans la nuit, dans ce havre.
–
Mais ils sont immobiles,
Sur la plage lisse.
Ce sont des cadavres,
Que vient compter la police.
–
Au concert des nations,
Le mur de la mer,
Est aussi une frontière ,
D’où suinte la misère,
–
Celle des pays en guerre.
Un mur des lamentations .
—
Au sujet des touristes « malgré eux »…on pourra se reporter au film de Costa-Gavras, « Eden à l’Ouest »
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DES ECHOS A BRISER L INDIFFERENCE
Regardez aussi par-ici chez Roger qui ne manque pas de s’indigner et de le faire savoir grâce à ses écrits et surtout en édifiant ses œuvres de land art.
http://rogerdautais.blogspot.fr
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MES ECLATS DE MOTS
Un mur d’indifférence
On les dit sans-abri,
sans papiers
Sans domicile fixe…
Pays de naissance : oublié
Dans la guerre, la misère
Les tueries, les massacres
L’ignominie.
Ils se sont abîmés
Dans le refus des recrutements mafieux.
Personnages mouvants
Devenus « migrants »
Le mot est aigre, acide pour les nantis.
Ils ont risqué leur vie.
On la leur a prise
En toute impunité
Et jetée à la mer
Contre pactole.
Poches retournées
Désespérément vides
Et rêves rapidement brisés.
S’ils en réchappent
Epuisés
Au milieu des cadavres empilés
Affamés
Traumatisés
Parqués
Emprisonnés
Leur vie vacille
Ou bien
Ils n’ont pour ciel de lit
Que la Voie Lactée,
Une fenêtre déchirée
Dans le tissu élimé
De la vie.
Sur un tas de journaux
Bien ficelé
Pour ne pas répandre
La misère,
Ils étendent leurs maux
où les mots ne rencontrent
Que froid, silence
Et regards fuyants.
De leur passé d’êtres blessés
niés
Ne restent que des yeux vides
De souvenirs gommés,
Arrachés,
Oubliés,
Dans une absence de grenier.
Chez « ces gens-là », on n’a pas d’armoire
Seulement la clé des champs
en sautoir de jours noirs
Des camps d’infortune
La promiscuité
Des barbelés
Des déserts
et des montagnes
traversés.
Chez « ces gens-là »
On n’a dans ses poches
Que la vie de l’instant…
Et si les jours cassent les nuits,
et si les nuits attaquent les jours
Une seule dignité reconnue
par de trop rares hommes et femmes phares
sur les marées des déshérités.
Indifférence coupable
Peu de chantres de la misère
Pour les sans-abri, les sans-papiers
Les sans-domicile fixe.
Les mains dans les poches pour les réchauffer,
Les pieds usés de trop espérer
La voix cassée des déshérités…
Ils restent là, à la merci de ceux qui les recueillent.
C’est la loterie
La loi du numéro
Le croupissement
Deux mondes qui s’entrechoquent
Dont un ignore l’autre
Devinez lequel…
L’expulsion
Les camions
Les frigos
L’enfer toujours recommencé.
Mais quand tout cela s’arrêtera-t-il ?
Maïté L
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Cette semaine dans Télérama, la une mais aussi un article » Le grand Naufrage »
LE CRI DE TELERAMA:
making-of d’une photo de une saisissante
- Traduction : Martine Massenavette
- Publié le 11/06/2015.
- Un bateau isolé, une mer calme et la mort qui rôde… La photo d’Alfredo D’Amato, photographe italien, illustre la une de notre magazine, cette semaine, consacrée au drame des migrants. Mais comment l’a-t-il prise ? Explications.
- Alfredo D’Amato est né en 1977. Après des études dans les domaines du documentaire, de l’art et du design, il s’est tourné vers la photographie et mène des projets sur le long terme. En 2014, il a collaboré avec l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés.
- “Dans la nuit du 3 octobre 2013, 368 Africains avaient péri après que leur bateau eut chaviré près de l’île de Lampedusa. Leur mort avait provoqué la consternation et c’est alors que le gouvernement italien avait chargé une flottille composée de 851 hommes embarqués sur cinq navires, de secourir les migrants qui tentaient de traverser la Méditerranée.
- Il avait fallu deux jours au San Giorgio, le vaisseau principal sur lequel j’avais embarqué, pour atteindre sa zone d’affectation à environ 200 miles des côtes libyennes. Mais nous avons dû attendre quelques jours encore que la mer se soit calmée pour lancer les opérations de sauvetage. Depuis l’hélicoptère dans lequel j’avais pris place, nous avions repéré un radeau en caoutchouc avec environ 200 personnes à bord, puis un autre en bois bleu , puis un autre, et la mer avait semblé d’un coup recouverte de ces frêles embarcations.
- A l’approche du San Giorgio les gens s’agitaient et criaient à l’aide. Un homme tendait un bébé à bout de bras pour nous faire comprendre qu’il y avait des enfants à bord. A la fin de la journée plus de 1200 personnes avaient été secourues : des malades, des blessés, des femmes enceintes, tous hébétés par leur effroyable périple, trempés et souvent sans chaussures, ils s’étaient effondrés sur le bateau. Ils devraient attendre encore deux jours avant d’accoster en terre d’accueil, mais cela ne représentait rien en comparaison avec ce qu’ils avaient vécu, comme l’avait fait remarquer un Nigérien, la chemise maculée de sang. Puis les téléphones portables avaient recommencé à émettre. L’excitation des migrants était devenue palpable. Certains avaient agrippé des sacs en plastiques scotchés dans lesquels ils avaient enfermés des habits neuf achetés spécialement pour leur arrivée dans leur nouvelle vie. Les femmes avaient changé leurs voiles et s’étaient parfumées, les enfants avaient recommencé à jouer.”
- L’opération Mare Nostrum a permis de sauver 160 000 personnes avant d’être remise en cause par le gouvernement de Bruxelles et remplacée par le controversé projet Triton, mené par la communauté européenne.
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LA CONTRIBUTION D’ALEZANDRO
Mourir sur une plage ou mourir naufragés,
Sur un rafiot sordide, impasse aux libertés,
Le cœur dans la tourmente et les yeux chavirés,
Tournés une ultime fois vers l’exil mythifié,
Abandonnés des hommes en toute lâcheté,
Et d’une Europe obèse en manque d’humanité,
Vouloir glaner sa place pour simplement oser,
Une vie sans entrave, un brin de dignité,
L’espoir d’une nouvelle chance et ne pas crever
Seuls, résolument seuls tels des chiens sans collier.
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LA CONTRIBUTION DE SERGE
« Quel sujet complexe que celui des flux migratoires qui ne sont pas près de se tarir. Le monde de demain verra ce phénomène s’intensifier. La genèse est à trouver du côté de situations politiques instables, dictatures, droits de l’homme bafoués, terrorisme, guerres. L’occident a une grande part de responsabilité dans ce qui se produit en Asie Mineure. Bush en s’en prenant à Saddam Hussein pour de mauvais prétextes à déstabilisé complètement une région déjà partitionnée au début du 20e siècle par les anglais et les britanniques. Je suis d’accord sur le fait qu’il est scandaleux de laisser les italiens confrontés à la majorité des flux migratoire. Je n’ai jamais eu une bonne opinion sur l’Europe qui s’est construite autour de la protection du capital au détriment des citoyens. Ce qui se passe actuellement ne fait que me conforter dans mon opinion.
Je voudrais élargir aussi les points de vue : La France a une grand responsabilité sur la déstabilisation du système politique libyen (fût-il oh combien imparfait) mais on mesure le résultat des courses – pays vivant dans l’anarchie et une guerre civile totale, déstabilisation du Sahel imposant une présence militaire permanente.
Quant aux Etats Unis, il ne me semble pas qu’ils contribuent à éponger les flux migratoires dont ils sont en grande partie responsable en ce qui concerne le conflit en Irak et en Syrie. »