Catégorie : AH! LE VOYAGE EN POÉMIE
Les nuages au bord de l’abat-jour
A quelques heures de là, sur une petite route étroite de campagne, sur les champs à perte de vue, le ciel efface les dernières heures du jour.
Les nuages flottent à portée basse et galopent au-dessus de nos têtes. Pas un bruit. Parfois un chevreuil s’aventure, à la recherche d’un point d’eau ou bien un héron fouille le fossé. Au loin, les nuages se font plus pressants en direction de l’océan.
Et j’ai une pensée pour Saint-Exupéry qui connut ces contrées.
Quittant mon village « où la vie s’écoule comme du miel« *, je relis, sur fond de nuages un passage de TERRE DES HOMMES:
« Aussi nous interdisait-on, sous peine des sanctions les plus graves, le survol des mers de nuages au- dessus des zones montagneuses. Le pilote en panne, s’enfonçant dans l’étoupe blanche, eût tamponné les sommets sans les voir.
-C’est très joli de naviguer à la boussole, en Espagne, au-dessus des mers de nuages, c’est très élégant, mais…
Et plus lentement encore:
-…mais souvenez-vous: au-dessous des mers de nuages… c’est l’éternité.
Voici que brusquement, ce monde calme, si uni, si simple, que l’on découvre quand on émerge des nuages, prenait pour moi une valeur inconnue. Cette douceur devenait un piège… »
Texte d’Antoine de Saint-Exupéry
*Citation relevée par Pierrette Ronteix dans son tome I sur Parentis-en Born
Bleu, blancs, l’ombre
Bleu, blancs, l’ombre
Sur l’autoroute du ciel
la fuite linéaire des nuages.
A saute-mouton sur les dents de loup
De la frise du temps
Comme notre vie
Tambour battant.
Noire était l’ombre
Et au loin
S’enhardissait le vent de cime en cime.
Jeu.
Adossée contre le géant
de soixante-dix ans
Me dardaient mille rayons solaires
en plein cœur.
Maïté L
Entre écorce et peau
Entre l’écorce
et la peau
Une douce chaleur.
Et le doigt suit
Pensivement
la géographie
De l’arbre.
Des rides,
Des larmes,
Des rivières,
Des volcans
De laves odorantes
S’agrippent
à ma peau.
****************
Au-delà des apparences
A la recherche du sens …
… Je comprends de l’arbre, l’axe de raison ;
Si l’insensé de l’homme suffisant
piétine la rondeur de la terre,
Sans écouter le langage sous-jacent
Les marques du temps font de l’arbre un prince
Sûr de son empreinte, comme un roc l’hiver,
Il n’a de cesse de tendre vers l’impalpable du ciel.
A la croisée des deux mondes
Son tronc, ce dessein d’écorce, ce parchemin
Où s’écrivent les pleurs, les heures, les souffrances
Garde tout en mémoire, comme un matin aux volets clos.
Il est ainsi,
Pour mieux écouter et sauvegarder le monde
Et page à page il laisse couler la sève libératrice,
Ses branches passant, par-dessus les murs,
Les guerres des hommes, les chevauchées fantastiques
Et Les replis refuges de vies minuscules.
Tronc de solitude, graines de croyances
L’humanité t’embrasse de son regard d’indifférence
Et de ses mains avides vient se nourrir de ta force.
Arbre,
Il faut nous parler de ta verticale quête
Mêler nos humbles mots à tes racines
Enfouies au plus profond de l’invisible matière
Là, où l’homme doute, trébuche et tombe face contre terre.
Au sombre envers du décor, toi, l’arbre
paré d’éphémères jeux de lumière
Arbre refuge de tous les cris étouffés
Arbre espérant la jeunesse des rires d’enfants,
Arbre d’immortalité, nourri de tous les printemps d’oiseaux,
Tu donnes tout simplement
du temps aux temps immémoriaux.
Maïté L
Fragments oubliés
Fragments ici et là.
Papier monnaie du temps qui passe.
Caramel ou anthracite
Bronze craquant sous les semelles
Qui connaît les matins de brume
Accrochés aux pinèdes ?
Plus réelles que les flammes du couchant
Les aiguilles mikado de notre enfance
Enfilez, filez les aiguilles de bois
Et nos mains et nos rêves
Déchiffrent le langage des signes
Le feu dans la gorge
Et au fond la peau tatouée résine.
Fruit des bois
Orgues des bois
Tous les tuyaux du vent ont croqué
Le bois de l’hiver
Et le vert printemps.
Et pour chanter l’été, la flûte de Pin
A composé sur les aiguilles sèches,
Une portée de notes grises et quelques notes creuses.
Callune, bientôt viendra, jeter ses frêles clochettes
Dans l’orgue à parfums roulant abeilles,
A la barbe et au nez des sous-bois. Alors,
Musique vermeille à la poursuite de l’automne
Entendra la mesure de nos pas vagabonds:
Le bois à terre occulté, crécelle des cimes et du ciel.
Champignons et pommes de pin sur les chemins
Les ombres en accordéon, nuages là-haut.
Fin des cigales. La crainte en silence. Le feu. Les chenilles.
Tous les tuyaux du vent ont rendez-vous dans les cimes.
Ecoute la portée grise de la flûte de Pin.
Maïté L
Les hirondelles
Les hirondelles, petites boules de poil pesant autour de 20 grammes et dont nous admirons les ballets incessants dans nos campagnes, lorsqu’elles ne sont pas trop polluées par les pesticides, nous captivent par leur habileté, leur fidélité et leur aptitude au voyage migratoire.
Mais pourquoi migrer? Pourquoi parcourir 10000 km à vol battu, ailes toujours en mouvement, pour rejoindre l’Afrique?Il faut chercher l’explication dans le régime alimentaire de l’hirondelle: elle ne mange que des insectes volants qui abondent en Afrique en hiver et disparaissent chez nous.
Mais l’hirondelle revient fidèlement chez nous car en Afrique, il semble que la concurrence pour trouver son nid soit rude: il y a là-bas beaucoup d’espèces indigènes d’hirondelles(37 dit-on).
Leur itinéraire a été découvert tardivement en France, grâce au baguage(1911).
C’est le naturaliste Buffon qui le premier qui, en France a considéré ces oiseaux scientifiquement.Dans l’Antiquité, on pensait que les hirondelles hibernaient dans la vase.
Les hirondelles sont très occupées à donner la becquée à leurs petits et nous avons pu l’observer fin avril, elles ne s’arrêtaient jamais. Ensuite elles n’auront de cesse d’accumuler quelques grammes de graisse. Leur journée sera consacrée à la chasse avec un vol plus ou moins bas selon le temps. Le soir parfois, surtout lorsque arrive la fin de l’été, on les voit sur les fils électriques. Elles préparent leur départ.
Il serait intéressant de savoir si elles vont toutes jusqu’en Afrique ou si certaines d’entre elles ne choisissent pas un voyage intermédiaire. Compte tenu d’hivers moins froids, les ornithologues de la Réserve de Bruges(33) nous ont expliqué que le voyage de beaucoup d’oiseaux migrateurs s’arrête actuellement grosso modo à mi-chemin.
Je me souviendrai toujours de mon grand-père maternel qui guettait l’arrivée du printemps. Lorsqu’il entendait le coucou, il se roulait dans l’herbe jusqu’à un âge très avancé. Quand il percevait les pépiements des hirondelles et leurs ballets incessants, il sortait la grande échelle et allait les saluer sous l’avancée du toit de la grange, bien haut! à quatre-vingt-dix ans il le faisait encore au grand désespoir de ma mère qui craignait la chute. Mais il avait(très) bon pied bon œil et les hirondelles étaient ses amies!
Les deux premières photos ont été prises au Canon(30 avril). Les deux autres dans le vignoble de Picque-Caillou, près de Bordeaux.
Géants sol y sombra
Entre plume et lune
Entre plume et lune se glisse la main
Quand suis-je passée de l’autre côté du miroir? Maman, j’étais encore petite et tu me disais ;
-« va lire, détourne la tête. Petite, n’écoute pas les accents de ta grand-mère. Va plutôt réviser tes tables ou jouer à la balle contre le chai. Il ne faut pas regarder la lune. Il ne faut pas s’asseoir sur les jolis rayons du soir finissant. Ils pourraient te donner de drôles d’idées. »
-« Oui mais ma mémé le savait, je le sais aussi : on éclaircit la gorge avec des feuilles de ronce. On adoucit son derrière avec le bouillon blanc. Et tu vois, là,à perte de vue, dans les landes d’ajoncs poussent, sur les mauvaises terres, le « teinte fil ». Bientôt, il se fera lie-de-vin.
Tu vois, ma mère, le sable n’efface pas les traces. Il ne ment pas, lui. Il garde la mémoire des générations en sabots ou en jupons Et tu feras ton savon comme dans ton lit tu te coucheras »…
Les grands sont bien compliqués, ma mère. Certains voudraient, d’autres ne veulent pas entendre.
Et que fais-tu de l’espoir d’une enfant pas tout à fait comme les autres ? »
A trop écouter le chant du ruisseau, à trop se lover au cœur de la terre, à trop chercher les chemins de lumière dans la nuit, on finit par épouser les idées de la grand-mère. Et le vent, le vent n’en fait qu’à sa tête, parfois il vole les années. Parfois il efface les traînées.
Parfois la lune se souvient que dans mon enfance, je dessinais des mains. Des mains vers le ciel. Des mains de profil. Des mains à recueillir dans le sable blanc le don de la terre. Des mains de branches-arbres feuilles.
Aujourd’hui, on ne serre plus la main pour rien. La main c’est l’oeil du souvenir. Il reste encore des mains apaisantes, des mains bienfaisantes.
Grand-mère a gagné!
Toutes les photos prises sur les rivages du Bassin, fin juillet, ont leurs couleurs naturelles du crépuscule à la nuit tombée.
Vous pouvez aussi voir la série » Crépuscule ici: