Et la lune

Commença son voilage de lumière

Comme un O généreux

Une respiration

Que l’on sentait

Approcher des flots.


Ce soir-là Le monde battit sa coulpe

Et s’arrêta.

Silence.

Seule la présence des mâts.

Plus de mots glissés

A s’éterniser.

Les échos du jour

A s’étioler.


Soudain la part d’ombre

Se fit légère

Et dispersa le piquant du vent.

Hors-lieu.

Hors-temps.

Le monde en libation pacifiée buvait à la lune

Les roses des eaux, les nues rehaussées

D’un soupçon de poème en marge du tableau.

Maïté L

Il est des crépuscules comme des veines souterraines.

Il est des lignes de velours pérennes,

Des frémissements d’ heures de nuit très douces

Dont le rayonnement touche profondément l’être.

Alors, lentement, la passante se referme comme une fleur.

Pleine de son amour ardent du jour

Elle distille dans son coeur

goutte à goutte  les perles

Du nectar des profondeurs d’outremer

Unies à celles de la voûte étherée.

Alors par-delà les mers

A fleur de ciel

A fleur de sel

Voguent  les pensées dune, les souvenirs de la petite  sirène.


Invitation au rêve

Elle était là

Esseulée

En bleu du ciel

Elle nous attendait.

Eprise des clapotis sombres sur clair

Aux heures pré-crépusculaires.

Simplement balancée

Sans à-coups

Sans regrets

Sans apprêts.


A l’écouter, la barque amarrée

Nous parler turquoise

Silences et battements au cœur de l’été,

La passante a cru chavirer.

Rêves en creux. Rêves de lèvres closes

Prêtes à attiser les envies de dune

Au loin si blonde, parée de ses  forêts .

Et la transparence, se jouant des  flots

Vague opaline à vague regard

La barque à l’imperceptible volte-face

Se livre,

S’efface… Le courant passe

Et danse la barque

S’enflamme au vent dardé.


Immobiles pensées et subjuguée

Sur la rive abordée

La passante

Reste à feuilleter un à un

Les arcanes de la marée

Et la barque

Sur le sable repoussée

Ne joue plus.

Elle

Attend

En

Grand

Secret

Les bras

Saphirs

De la marée.

Maïté L



Châteaux de Sable


Sur la plage, au crépuscule,

Les ombres des châteaux

étendent leurs tentacules,

Et gourmandent les vagues

qui, à coups de langues,

lèchent,un à un, les grains de sable.

Châteaux abandonnés,

Ruines sans armes ni ronces,

sans amour ni pervenches,

Forteresses et petits goûters

Des jours d’enfance ensoleillée.

Entre les vols furtifs de mouettes,

et les noires silhouettes,

Main dans la main,

La caresse des algues

et l’ivresse du vent

les couchent inexorablement

Au fond des océans.

Maïté L

S’élancer vers la lumière

cueillir les gerbes

et les bouquets

dorés

le Pont en pointillés

ou point essentiel de mire

Montée à l’assaut du noir

hésitation avant

l’éclat

l’extrême des signes

et des retombées

en cris, mains agitées

à la pointe

de la nuit jaillit

la couleur.

Rejoindre la forme intérieure

et sa langue d’airain

Retenir le chant

des girouettes

au vent

de la marée

à quai

plus de clapotis

des traits

sertis

dans les flots

à contre-courant.

Fin et me viennent ces mots de Roberto Juarroz que je vous laisse apprécier:


« L’ombre est un fruit mûri à contretemps.

Si on le presse, il donne le jus de la lumière,

mais peut aussi tacher les mains pour toujours.


Il faut vivre l’ombre comme un fruit,

mais la vivre du dedans,

comme on vit sa propre voix.


Et il faut sortir d’elle goutte à goutte

ou mot à mot,

jusqu’à devenir lumière sans s’en rendre compte.


Le jour des hommes n’est pas un jeu.

Le jour des hommes est fait

de quelque chose qui ne commence qu’avec la lumière.(V, 56)


Jour de fête

nationale

Petits drapeaux

Multipliés

Dans les reflets

La foule attentive

Au Miroir D’Eau.

Il faut arriver à la pointe du soleil

décroissant

Pour prendre le Pont de pierre du regard

Et ne plus le perdre

De vue.

Dans tous ses états

En drapés de ciel

En instantané rose

Dix-sept arches

N-A-P-O-L-E-O-N-B-O-N-A-P-A-R-T-E.

Une à une les lampes

Puis le noir

Avant

La fête des lumières.

Guides en ordre de glisse

Ailleurs des franges d’implosion

Vertes les berges et vivants reflets.

***


Je prendrais bien quelques rais

De lumière

Posés à dessein à même le creuset

De la rivière.

***


Juste le temps d’épouser l’ombre fusionnelle

Du soir

Où les canards sculptent la peau

Du miroir.

***


Suivre du regard brûlant l’impromptu

De leur sillage

Et de la ville engloutie dans la moiteur estivale tourner

La page.

***


Un miel sortilège caresse les invisibles contours sous arcade

De la bulle

Et surgit alors un soupçon de  fraîcheur, une bouée lancée

A des incrédules.

***

S’arrêter

Oublier

Le ciel

Goûter

Du bout de la langue

L’ombre

Par le bout

De la sérénité.

***

Maïté L

Les mots pour les dire

Parlez-moi vache

Du genou à l’encolure

A musique de sabots

Ayant foulé tant de sols, martelé

Sable terre ou vapeurs marines

Rochers et falaises

Et prairies isolées.

Dansent les queues

Cornes à chasser les mouches

Et les jarrets musclés

Dans la poussière des arènes endiablées.

Quand  venaient « Chouan et Martin »

Vous étiez pauvres attelées

Traînant la charrette de foin chargée.

Aujourd’hui,

Vaches jumelles reliées à la bouse

L’arrière-train immaculé

Aujourd’hui vache très vache

Ou diva à la robe dorée

De corne en lyre

A croissant de la Lune

Que j’aime vos yeux doux  de noir soulignés

Vos  longs cils, vos airs de Marilyn

Votre croupe de noire Joconde

Et vos mufles rebelles, nez dans le vent.

Et « pis » si les enfants de noir et de blanc

Vous ont fait la peau tous à lettres liés

C’est tout tendresse, c’est si attirant

De courir la belle sur les axes passants.

Maïté L

« Pourquoi parler ?

Mais pourquoi se taire ?


Il n’y a pas d’oreille pour notre parole,

Mais il n’y en a pas non plus pour notre silence.

Les deux se nourrissent uniquement l’un de l’autre.


Et parfois ils échangent leurs zones

Comme s’ils voulaient mutuellement se protéger. »

(VII, 18)

Roberto Juarroz/ Poésie verticale

*******

Comme toi j’aurais voulu être le

Pauvre petit pêcheur

Tournant le dos aux vagues

sur les soubresauts du Pont du Diable

Combien j’aurais donné de silences

Et de larmes de sel

Pour faire  du corps la pluie.

J’aimais ta solitude

Toi avec toi

Et ta canne prétexte

Une

Lancée à la mer

Et le bouchon frisant

La furie d’écume.

Et dans ta tête le vide

Le cerveau lavé, rincé, essoré

La leçon diamant aux pointes acérées

Et la pureté de l’instant

La parole de vent aux sifflets vrillés.

Toi immobile

Ou bien était-ce moi

Nous inter-changeables

La parole du silence

De l’océan l’espace–temps aboli

Sur le roc

L’épreuve du penchant

Assaut les vagues

Si tentant

L’esseulé

Aux cheveux

D’embruns.

Saint-Palais, mai 2010, photos et texte: Maïté L