Catégorie : AH! LE VOYAGE EN POÉMIE
Et la lune
Et la lune
Commença son voilage de lumière
Comme un O généreux
Une respiration
Que l’on sentait
Approcher des flots.
Ce soir-là Le monde battit sa coulpe
Et s’arrêta.
Silence.
Seule la présence des mâts.
Plus de mots glissés
A s’éterniser.
Les échos du jour
A s’étioler.
Soudain la part d’ombre
Se fit légère
Et dispersa le piquant du vent.
Hors-lieu.
Hors-temps.
Le monde en libation pacifiée buvait à la lune
Les roses des eaux, les nues rehaussées
D’un soupçon de poème en marge du tableau.
Maïté L
Vint le crépuscule
Il est des crépuscules comme des veines souterraines.
Il est des lignes de velours pérennes,
Des frémissements d’ heures de nuit très douces
Dont le rayonnement touche profondément l’être.
Alors, lentement, la passante se referme comme une fleur.
Pleine de son amour ardent du jour
Elle distille dans son coeur
goutte à goutte les perles
Du nectar des profondeurs d’outremer
Unies à celles de la voûte étherée.
Alors par-delà les mers
A fleur de ciel
A fleur de sel
Voguent les pensées dune, les souvenirs de la petite sirène.
Invitation au rêve
Invitation au rêve
Elle était là
Esseulée
En bleu du ciel
Elle nous attendait.
Eprise des clapotis sombres sur clair
Aux heures pré-crépusculaires.
Simplement balancée
Sans à-coups
Sans regrets
Sans apprêts.
A l’écouter, la barque amarrée
Nous parler turquoise
Silences et battements au cœur de l’été,
La passante a cru chavirer.
Rêves en creux. Rêves de lèvres closes
Prêtes à attiser les envies de dune
Au loin si blonde, parée de ses forêts .
Et la transparence, se jouant des flots
Vague opaline à vague regard
La barque à l’imperceptible volte-face
Se livre,
S’efface… Le courant passe
Et danse la barque
S’enflamme au vent dardé.
Immobiles pensées et subjuguée
Sur la rive abordée
La passante
Reste à feuilleter un à un
Les arcanes de la marée
Et la barque
Sur le sable repoussée
Ne joue plus.
Elle
Attend
En
Grand
Secret
Les bras
Saphirs
De la marée.
Maïté L
Châteaux de sable
Châteaux de Sable
Sur la plage, au crépuscule,
Les ombres des châteaux
étendent leurs tentacules,
Et gourmandent les vagues
qui, à coups de langues,
lèchent,un à un, les grains de sable.
Châteaux abandonnés,
Ruines sans armes ni ronces,
sans amour ni pervenches,
Forteresses et petits goûters
Des jours d’enfance ensoleillée.
Entre les vols furtifs de mouettes,
et les noires silhouettes,
Main dans la main,
La caresse des algues
et l’ivresse du vent
les couchent inexorablement
Au fond des océans.
Maïté L
Le feu d’artifice et le Pont de Pierre (2)
S’élancer vers la lumière
cueillir les gerbes
et les bouquets
dorés
le Pont en pointillés
ou point essentiel de mire
Montée à l’assaut du noir
hésitation avant
l’éclat
l’extrême des signes
et des retombées
en cris, mains agitées
à la pointe
de la nuit jaillit
la couleur.
Rejoindre la forme intérieure
et sa langue d’airain
Retenir le chant
des girouettes
au vent
de la marée
à quai
plus de clapotis
des traits
sertis
dans les flots
à contre-courant.
Fin et me viennent ces mots de Roberto Juarroz que je vous laisse apprécier:
« L’ombre est un fruit mûri à contretemps.
Si on le presse, il donne le jus de la lumière,
mais peut aussi tacher les mains pour toujours.
Il faut vivre l’ombre comme un fruit,
mais la vivre du dedans,
comme on vit sa propre voix.
Et il faut sortir d’elle goutte à goutte
ou mot à mot,
jusqu’à devenir lumière sans s’en rendre compte.
Le jour des hommes n’est pas un jeu.
Le jour des hommes est fait
de quelque chose qui ne commence qu’avec la lumière.(V, 56)
Eclats de lumières et 14 juillet(1)
Jour de fête
nationale
Petits drapeaux
Multipliés
Dans les reflets
La foule attentive
Au Miroir D’Eau.
Il faut arriver à la pointe du soleil
décroissant
Pour prendre le Pont de pierre du regard
Et ne plus le perdre
De vue.
Dans tous ses états
En drapés de ciel
En instantané rose
Dix-sept arches
N-A-P-O-L-E-O-N-B-O-N-A-P-A-R-T-E.
Une à une les lampes
Puis le noir
Avant
La fête des lumières.
Sérénité
Guides en ordre de glisse
Ailleurs des franges d’implosion
Vertes les berges et vivants reflets.
***
Je prendrais bien quelques rais
De lumière
Posés à dessein à même le creuset
De la rivière.
***
Juste le temps d’épouser l’ombre fusionnelle
Du soir
Où les canards sculptent la peau
Du miroir.
***
Suivre du regard brûlant l’impromptu
De leur sillage
Et de la ville engloutie dans la moiteur estivale tourner
La page.
***
Un miel sortilège caresse les invisibles contours sous arcade
De la bulle
Et surgit alors un soupçon de fraîcheur, une bouée lancée
A des incrédules.
***
S’arrêter
Oublier
Le ciel
Goûter
Du bout de la langue
L’ombre
Par le bout
De la sérénité.
***
Maïté L
Bordeaux, vache après vache(3)
Les mots pour les dire
Parlez-moi vache
Du genou à l’encolure
A musique de sabots
Ayant foulé tant de sols, martelé
Sable terre ou vapeurs marines
Rochers et falaises
Et prairies isolées.
Dansent les queues
Cornes à chasser les mouches
Et les jarrets musclés
Dans la poussière des arènes endiablées.
Quand venaient « Chouan et Martin »
Vous étiez pauvres attelées
Traînant la charrette de foin chargée.
Aujourd’hui,
Vaches jumelles reliées à la bouse
L’arrière-train immaculé
Aujourd’hui vache très vache
Ou diva à la robe dorée
De corne en lyre
A croissant de la Lune
Que j’aime vos yeux doux de noir soulignés
Vos longs cils, vos airs de Marilyn
Votre croupe de noire Joconde
Et vos mufles rebelles, nez dans le vent.
Et « pis » si les enfants de noir et de blanc
Vous ont fait la peau tous à lettres liés
C’est tout tendresse, c’est si attirant
De courir la belle sur les axes passants.
Maïté L
Hors-lieu
« Pourquoi parler ?
Mais pourquoi se taire ?
Il n’y a pas d’oreille pour notre parole,
Mais il n’y en a pas non plus pour notre silence.
Les deux se nourrissent uniquement l’un de l’autre.
Et parfois ils échangent leurs zones
Comme s’ils voulaient mutuellement se protéger. »
(VII, 18)
Roberto Juarroz/ Poésie verticale
*******