Les mots pour les dire

Parlez-moi vache

Du genou à l’encolure

A musique de sabots

Ayant foulé tant de sols, martelé

Sable terre ou vapeurs marines

Rochers et falaises

Et prairies isolées.

Dansent les queues

Cornes à chasser les mouches

Et les jarrets musclés

Dans la poussière des arènes endiablées.

Quand  venaient « Chouan et Martin »

Vous étiez pauvres attelées

Traînant la charrette de foin chargée.

Aujourd’hui,

Vaches jumelles reliées à la bouse

L’arrière-train immaculé

Aujourd’hui vache très vache

Ou diva à la robe dorée

De corne en lyre

A croissant de la Lune

Que j’aime vos yeux doux  de noir soulignés

Vos  longs cils, vos airs de Marilyn

Votre croupe de noire Joconde

Et vos mufles rebelles, nez dans le vent.

Et « pis » si les enfants de noir et de blanc

Vous ont fait la peau tous à lettres liés

C’est tout tendresse, c’est si attirant

De courir la belle sur les axes passants.

Maïté L

Les lieux visités à ce jour pour apercevoir les vaches sur les pavés bordelais:

Quai Louis XVIII

Quais des Chartrons

Office de Tourisme

Place Saint Pierre

Place Pey Berland

Place du Parlement

Saint Christoly

Place de la Comédie

Place Jean Jaurès

Place Gambetta

Cours de l’Indendance

Cours du Chapeau Rouge

Place du Chapelet

Allées de Tourny

Place Camille Jullian

Place des Grands Hommes

Place de la Bourse

Cours Xavier Arnauzan

Jardin Public

Aéroport de Mérignac

CHU de Pellegrin

Mais où donc se cache la vache landaise sur ses échasses? Elle joue à cache-cache avec moi.

Tout avait commencé lors de la foire internationale du mois de mai.J’avais remarqué, au détour d’une allée, cette artiste au travail sur l’une des quatre vaches en cours de décoration.

Puis vint la Cow Parade à laquelle je ne pus assister.4 camions pour transporter 58 vaches appelées à brouter les pavés bordelais.

Au départ une carte fut éditée avec le nom des vaches et leur localisation. Il suffisait alors de jouer les touristes et de partir à leur découverte.Mais ce n’est pas si simple. car les vaches qui ont tout sauf le look des blondes d’Aquitaine  soudain changent de pâturage.

Cela m’a ramenée à mes souvenirs d’enfant et d’adolescente. Lorsque j’étais gardienne de troupeau, j’avais pu mesurer combien les vaches étaient coquines. Quand je comptais les surveiller en compagnie d’un bon livre et de la radio clamant à tue-tête » Salut les copains! », elles en profitaient  pour tirer leur révérence et allaient voir si le champ du voisin était plus vert.

Donc, il sera difficile de rencontrer les 58 vaches, certaines étant très excentrées, d’autres n’étant plus où on les attendait.

Avec la canicule, il s’ensuivra quelques talons écorchés, quelques souvenirs de tram aux abonnés absents nous poussant à marcher encore et encore… et à découvrir des vaches  inespérées. Mais nous pourrons voir aussi que les belles sont pourchassées pour leur oeil malicieux, conquérant ou leur habit de lumière.

Les enfants adorent s’y percher. Les bordelais et les touristes bougent. Les appareils photo crépitent. C’est super!

Parmi toutes celles que nous avons aperçues, j’ai mes préférées…mais je ne vous influencerai pas. Je vous laisse découvrir. Il y aura une autre série d’ici peu.

Origine de la Cow Parade:

« C’est à Zurich en 1998 que sont apparues pour la première fois ces bien étranges créatures au look improbable. Depuis il y a eu une 58 « escales » Cow Parade dans le monde qui se sont déroulées dans des capitales ou de  grandes villes : Chicago, New York, Houston, Sidney, Londres, Buenos Aires, Athènes … En 2010, la Cow Parade est ainsi accueillie à Rome, à Tunis, à Margaret River en Australie et donc à Bordeaux pour la France ou elle prend l’appellation « Bordeaux and Cow ».

L’idée est la suivante, des vaches en taille réelle sont conçues en résine de couleur blanche et dans 3 postures différentes debout, couché ou en train de brouter. Elles sont ensuite achetées par de grandes entreprises qui les confient à des artistes. Sculpteurs, peintres et autres designers qui vont alors décorer et transformer la vache en une œuvre unique. Viendra ensuite le temps de présenter au public le fruit du travail des artistes.

Les dates importantes de Bordeaux & Cow:

– 7 juin : inauguration officielle
– 7 juin – 14 septembre : les vaches sont en ville
– 14 – 27 septembre : les vaches se refont une beauté
– 28 – 29 septembre : dernière exposition des vaches à la banque alimentaire –
– 30 septembre : la vente aux enchères dans les entrepôts de la banque alimentaire »

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Car vous l’aurez compris en lisant ces dernières lignes, les vaches seront vendues aux enchères au profit de la banque alimentaire.

http://www.bordeauxandcow.com/

« Pourquoi parler ?

Mais pourquoi se taire ?


Il n’y a pas d’oreille pour notre parole,

Mais il n’y en a pas non plus pour notre silence.

Les deux se nourrissent uniquement l’un de l’autre.


Et parfois ils échangent leurs zones

Comme s’ils voulaient mutuellement se protéger. »

(VII, 18)

Roberto Juarroz/ Poésie verticale

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Comme toi j’aurais voulu être le

Pauvre petit pêcheur

Tournant le dos aux vagues

sur les soubresauts du Pont du Diable

Combien j’aurais donné de silences

Et de larmes de sel

Pour faire  du corps la pluie.

J’aimais ta solitude

Toi avec toi

Et ta canne prétexte

Une

Lancée à la mer

Et le bouchon frisant

La furie d’écume.

Et dans ta tête le vide

Le cerveau lavé, rincé, essoré

La leçon diamant aux pointes acérées

Et la pureté de l’instant

La parole de vent aux sifflets vrillés.

Toi immobile

Ou bien était-ce moi

Nous inter-changeables

La parole du silence

De l’océan l’espace–temps aboli

Sur le roc

L’épreuve du penchant

Assaut les vagues

Si tentant

L’esseulé

Aux cheveux

D’embruns.

Saint-Palais, mai 2010, photos et texte: Maïté L

Peinture: MW

http://cerisemarithe.wordpress.com/

Le mascaret

L’instant d’avant

L’œil scrute au loin la couche étale et les berges verdoyantes

Au sortir de l’hiver

Un peu de gris

Silence. la Dordogne

Une chaleur lourde

Qui plaque au bitume.

Va-et vient du café

Menthe à l’eau

La  fraîcheur de l’ombre

A la rembarde.

L’œil sur la montre

Les surfeurs en attente

Glissent sur le ponton

Et s’en vont

Vers  l’amont, vers l’aval

Soudain au loin une frise

Une couture, un surjet

Une gueule ouverte

Avale le courant montant,

Vient à l’assaut, au galop, biaisé

Les berges  clapotent, grondent, giclent, explosent.

Un tonnerre d’eau sourd, ondule le serpent bistre, ocre sur gris

Un bourdonnement passe

A la vitesse de l’éclair

Le fleuve à vagues de creux et de crêtes

Recouvre l’habitude des heures lisses.

Fini. Mascaret du passé.

Les surfeurs, la planche sur l’épaule

Dans le village, s’en viennent

Vers le soir.

Texte :Maïté L

Le mascaret est un phénomène naturel absolument fascinant. Il  se produit en un unique endroit en France : sur l’estuaire de la Gironde.

Mercredi 28 avril, le  coefficient de marée prévu est de  100 et nous décidons d’aller pour la première fois voir le mascaret, en sachant bien que les moments les plus propices pour l’observer sont à l’entrée du printemps et de l’automne, car il faut aussi tenir compte de l’étiage.

Le flux de la marée  s’engouffre dans l’entonnoir de l’estuaire  et se heurte au courant du fleuve. Les vagues(de 5 à 10) se forment et grossissent lors de leur progression, pouvant atteindre deux mètres de hauteur . Elles progressent à une vitesse de 15 à 30 km/heure jusqu’à 200km dans les terres.

Le mascaret peut être observé en différents points de l’estuaire et de ses affluents mais c’est dans le village de Saint Pardon, près de Vayres, en Gironde, qu’il est le plus beau à voir.

Tout commence en général dans le café du port qui surplombe la Dordogne. Le village situé sur la « route royale » d’Henri IV est bien petit mais tire sa notoriété de ce phénomène.

Vous prenez votre temps en sirotant une boisson pendant que les surfeurs venus de très loin parfois se préparent en scrutant la montre et le fleuve.

Alors que tout est calme , ici, sur la Dordogne, un affluent de la Gironde, soudain une série de  vagues arrivera à contre-courant du fleuve.

Lorsque l’heure approche,les surfeurs se transforment en hommes grenouilles et soit remontent en amont pour profiter le plus longtemps possible des vagues, soit attendent sagement que le mascaret arrive jusqu’à eux. Il y a aussi les canoes, les barques  et la plaie du progrés: les scooters des mers.

Surfer sur le mascaret est un exercice très différent de celui de l’océan. Les vagues avancent plus vite et latéralement. Elles viennent labourer les berges. parfois les surfeurs aguerris peuvent tenir 20 mn sur la vague. il est habituel qu’ils restent sur la vague durant un kilomètre.

Nous avons été surpris par le grondement qui accompagne  ces vagues déferlantes fondant littéralement sur le fleuve qui bientôt ne sera plus que remous. J’ai beaucoup aimé aussi le moment précis où les surfeurs se redressent et semblent planer .

Le 28 avril était un mercredi. Imaginez lorsque les conditions de mascaret sont optimales, puisque nous avons vécu un petit mascaret , et lorsque ce phénomène se produit une fin de semaine: Saint Pardon se mérite et il faut arriver très tôt.

Pour en savoir plus:

http://www.obs.u-bordeaux1.fr/mascaret/index.html

photos : Maïté L

Vous pouvez aussi en savoir plus sur le site officiel de la mairie de Vayres :

en ce qui concerne  Saint Pardon:

http://www.mairie-vayres.fr/Le-Port-de-Saint-Pardon,83.html

et en ce qui concerne le mascaret:

http://www.mairie-vayres.fr/Le-Mascaret.html

Langues des signes

ont

traversé les âges.

Lyre

dans les reflets de geste et d’épopée

L’eau du troubadour vient des remparts plus au sud.

Ports antiques à saveur de tempête et de grain

Loin des Conches redoutées , convoitées au nord

Et tout contre la falaise,

l’ombre

dans le timon et la bouée.

Tout n’était qu’apparente sérénité aux abords des yoles de Saintonge.

Ici pas  d’estran mais des desseins de boue où sont enfouis

Le poids de l’Histoire, la douce province et la casquette des marins .

Canards

dans le vent faisant rage,

cliquetis

puis gémissements de ferraille

Le ciel

jeté par-dessus le sorcier de la falaise

Le ciel

Jeté sur le souvenir, par-dessus le port

et les hurlements dans la nuit

Par la fenêtre ouverte

Où viennent s’écraser

Les gouttes rondes

Mitraillées

Sur les réverbères

Et les vitres

De la Maison du Meunier.

photos et texte : Maïté L

La pêche  dans l’estuaire et sur la côte est une longue tradition.Les carrelets ces étranges cabanes suspendues entre ciel et eau par tous les temps font partie du paysage traditionnel. pourtant, les deux tempêtes , celle de 1999 et celle de 2009 ont eu raison de beaucoup d’entre eux. Avec leurs allures de cabanes tchanquées, parfois posés  au bout d’une barre rocheuse comme celle du Pont du Diable, ils défient la marée, le vent et c’est un vrai plaisir de les voir tout au long des deux rives de l’estuaire.


Je ne suis pas sûre que de nos jours ils servent encore à remonter dans le large filet tendu sur le cadre les crevettes, mulets , soles … en quantité ,comme au temps jadis. Pourtant les petites crevettes blanches de l’estuaire cuisinées à l’anis sont un régal.


Autrefois sur l’estuaire, les hommes étaient tout autant agriculteurs que pêcheurs. Leurs bateaux étaient filadières; ils sont aujourd’hui yoles ou bateaux libellules. Ces appellations sont encore là pour titiller notre imagination de terriens citadins tout comme les carrelets.


Mais encore faut-il aimer avoir le visage cinglé par les vents. Encore faut-il aimer la solitude lorsque ces mêmes vents élèvent autour de vous des remparts de sifflements semblables à des mélopées mélancoliques . Encore faut-il avoir le pied marin  et se sentir prêt à sombrer dans les flots à la première vague enhardie d’une tempête.


Les carrelets , chers payés , et pas à la portée de la première bourse qui passe, sont-ils dans l’imaginaire un des derniers refuges de cette vie en communion avec l’eau de la mer dont nous avons gardé la trace jusque dans nos vibrations internes?

Imaginez: la mer et rien que la mer. Du lever au coucher de soleil et par tous les temps. Sur la dernière photo, je les ai vus un soir d’exception où ils allaient bientôt être touchés par la neige.Le ciel avait des allures de grand galop, malgré l’impassibilité apparente des carrelets.Il se tramait quelque chose dont nous n’avions pas l’idée. Ils étaient là, glacés, transis, comme nous et spectateurs ces carrelets,  ces frêles cabanes de l’estuaire et de la côte sauvage.

Maïté L

Et puis aussi côté Médoc, voyez ici:

http://alienor.multiply.com/photos/album/104#

Durant le haut Moyen Âge,  Talmont devient un poste militaire,  puis une seigneurie, sous le nom de Talamo.


Celle-ci est acquise en 1284 par Edouard Ier d’Angleterre, duc d’Aquitaine, qui la fait fortifier, créant ainsi,avec les ruines d’un port gallo romain une ville close sur le modèle des bastides du sud-ouest de la France,

De là un plan en damier dans lequel les rues se coupent en angle droit afin de faciliter la défense et se se prémunir contre les ennemis.


Nous arrivons du côté du petit port de Talmont et pour atteindre  l’église située à l’opposé, nous suivons les ruelles, venelles et queureux(venelles en impasse) dont le tracé n’a pas changé depuis la création de la bastide.


Au cours de notre promenade, nous rencontrerons  deux puits dont l’eau est saumâtre et cette magnifique « Place de la Priauté » avec son imposant tilleul de 1895. Je ne connais pas la signification du mot « Priauté »: est-il à rapprocher de « prieuré »?

Nous apercevrons aussi un pan du rempart en allant vers le fleuve, dans lequel ont été pratiquées des ouvertures(bleues comme il se doit). Ce pan de mur est l’unique vestige d’une tour carrée appelée « Tour Blanche ».

Durant la guerre de cent ans, anglais et français se disputent âprement  Talmont.

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Quelques rappels historiques:


Jean sans Terre était le dernier fils d’Aliénor d’Aquitaine et d’Henri II d’Angleterre.


Henri III Plantagenêt était le fils aîné du roi Jean sans Terre et d’Isabelle d’Angoulême (roi d’angleterre et duc d’Aquitaine)


Edouard Ier d’Aquitaine était le fils d’Henri III d’Angleterre et d’Eleonore de Provence.

Sur la vitre lisse

Glissent les doigts et les pensées.

Pas un souffle à l’intérieur :Une vie toute contenue.

Mais dehors court l’imagination

Elle voudrait percer du village tous les secrets.

Fenêtre ouvragée, fenêtre parée

Fenêtre où viennent tinter du vent les mille « pizzicati »

Et les pointes acérées de la bise soudain déclarée.

Les passants glissent comme des fantômes sans visage

Dans le ballet des découvertes étonnées.

Sur la vitre lisse qui ne se laissera pas deviner

Le village impassible attend la nuit pour exister.

Fenêtres sur vie

Fenêtres closes.

Ce jour-là

Rien n’a bougé.

Des paires d’yeux derrière les rideaux

Celles des vieux qui la canne à la main

Dodelinent de la tête et se perdent  mais pas très loin :

Sur la rose trémière, souple dans le vent

ou

Le bourdon fouisseur à l’intime de l’acanthe

Et sur le doré des nuages

Venu caresser la vitre insolemment.

Sur les volets fermés que bientôt  taquinera l’été

Et sur les passants, parfois immobiles devant les motifs ajourés.

Mais pourquoi ?

pourquoi suis-je attirée par les rideaux à deux pas

Les brise-bises et les reflets qui sur les fenêtres viennent s’animer ?

Chez moi

portes ouvertes et rideaux dans leur coin

Laissent entrer la lumière et profiter du jour entier.

Mais

derrière ces bouts de tissus et ces vues tamisées

Combien de drames, combien de joies

Combien de marins, de pêcheurs de civelles

Combien de vendangeurs et de coureurs des marées

Combien de pirates la nuit et le jour gens honnêtes.

Combien de brodeuses et de liseuses

Combien de larmes et combien de rires fous

Combien de dos courbés et de prières

Avec les yeux rivés sur les toits de l’église

Pour voir enfin les aventuriers rentrer !

Combien de pèlerins, combien de va-nu-pieds

Combien de langues et d’épopées !

Imaginez le bruit des épées et les accents anglais

Alors qu’auparavant c’est en latin qu’on devisait.

Mais ce jour-là

le village était feutré derrière ses jalousies.

Seul le vent feulait du poids des sauvages  et lointaines années

Et nous étions attentifs au moindre signe, à l’empreinte

De la vie côté jardin, côté marée, au doux parfum d’une presqu’île

Cachée à l’intime de ses ruelles, attachée à l’enclose de ses venelles

Quand sur les fenêtres  toquaient  l’air du large et le soir qui s’en venait.

Talmont le 10/06/2010 Maïté L

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N’est-ce pas une belle façon d’entrer dans l’intimité du village? Bien sûr j’aurais pu vous convier dans les rues et puis ensuite seulement vous laisser  devant les rideaux. mais voilà…J’ai décidé d’aller au coeur à coeur et de revenir ensuite à du plus raisonnable. Il s’agit aussi de mots croisés avec Marie-Christine Touchemoulin sur le thème des fenêtres. Si le coeur vous en dit et j’aimerais bien, faites comme elle l’a dit: prenez  votre plume et laissez parler vos fenêtres en sept lignes!(ou plus!)En tous cas, laissez-vous emporter par l’imagination en sept mots, en sept lignes ou  même en pensée! Merci!

http://marie-christinetouchemoulin.vox.com/library/post/etreindre-linstant-furtif-lorquil-nous-donne-la-main.html