« Parler du désert, ne serait-ce pas, d’abord, se taire, comme lui, et lui rendre hommage non de nos vains bavardages mais de notre silence? »THÉODORE MONOT

LE PAYS PARLE À MI-VOIX:
pendant quelques années, il fallut attendre, organiser l’après-tempête, laisser sécher les souches, les faire enlever, laisser reposer le terrain, attendre, attendre encore avant de repartir à zéro.

Lorsque je me promenais seule, dans cette lande à perte de vue, j’avais le cœur gros au nom de ce passé disparu et malgré tout, je mesurais ma chance de pouvoir marcher, flâner, sans rencontrer âme qui vive. Un mot revenait en boucle dans ma tête: « désert, désert, désert à l’infini ». Il ne me fallait pas aller bien loin pour trouver le désert.
Il y avait ces terrains qui se reposaient et puis ceux qui étaient retournés définitivement à l’état de lande parce que leurs propriétaires renonçaient à reboiser.
Il y avait ce silence, tantôt silence de luxe dans notre société actuelle, tantôt un silence lourd, pesant, synonyme d’abandon, de retour à la lande sans son aspect pastoral.

Je pensais alors à mes ancêtres juchés sur leurs échasses afin de surveiller leurs troupeaux, ceux d’avant la loi de 1857 de Napoléon III, qui avait mis un terme à cette civilisation agro-pastorale, en généralisant les plantations de pins, créant ainsi le plus grand massif forestier.

Un homme a immortalisé ce changement de société: FÉLIX ARNAUDIN(1844_1921), originaire de Labouheyre(40).Formidable témoin de cette révolution naissante, sillonnant ce coin des Landes durant 50 ans, pour immortaliser par la photo les derniers soubresauts de la vie rurale et les paysages originels, il se déplaçait inlassablement sur une distance d’environ 60 km.

Il y a quelques années, une exposition remarquable lui fut consacrée au MUSÉE d’AQUITAINE(Bordeaux) intitulée »LE GUETTEUR MÉLANCOLIQUE. Accompagnée d’un livre d’une rare beauté retraçant l’œuvre unique de FÉLIX ARNAUDIN (négatifs sur verre et tirages originaux), si riche de passion, de précision, si émouvante, nous plongeâmes , grâce à ces clichés présentés pour certains de façon panoramique, dans ce qu’il appelait « la vastitude ».

SAUF QUE… Dans cet après-tempête, en parcourant la lande, j’avais la sensation de revivre ces paysages originels.
« … le ciel béant, la terre inhabitée, vide à donner le vertige… » écrivait FÉLIX ARNAUDIN.

Je revenais sans cesse vers des écrits évoquant le désert, sous la plume notamment de J-M-G LE CLÉZIO. Comme Bernard Pivot, lors de la parution du livre « DÉSERT », j’étais persuadée que je ne me lasserais pas de ce roman à double lecture, à lire tantôt sous l’éclairage de ses deux personnages, tantôt histoire après histoire.
Il évoquait ce que je ressentais; « un pays perdu, un lieu de mythe, une plongée au cœur du temps », » un paysage vide, du vent », « une aire de recueillement, d’énergie ».

« Ce qui sépare le nomade du sédentaire (c’est-à-dire du citadin), c’est cette faculté qui est celle du marin sur son bateau, ou de l’Esquimau sur sa banquise, de distinguer le moindre changement, d’admirer la variété là où d’autres ne verraient que du vide. Ici, nous avons tout à apprendre. »
J-M-G LE CLÉZIO


à suivre