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Prenez un jardin. Plantez le décor : un chêne, un lagerstroemia et un prunus : de ce dernier, chaque année  au printemps, nous attendons la floraison ; le merle aussi ; puis vient le feuillage rouge lumière où le merle joue à cache-cache avec le soleil ; il siffle et module son chant pour accompagner la maturation des prunes. Il veille sans partage, car il sait que bientôt ce sera  l’abondance: quand  le merle  se régale, il est heureux ! Nous aussi !

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Le merle est le premier oiseau repéré dans notre jardin  pour sa fidélité. Avec lui, j’ai pris l’habitude d’un  échange complice, chacun écoutant l’autre ; Même si parfois nous ne parlons pas tout à fait le même langage.

L’été venant, le merle se fait plus discret et nous le revoyons de façon assidue  l’hiver venu. Il nous semble que c’est  le même depuis plusieurs années maintenant. 

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Nous nous prenons au jeu de l’observation des oiseaux à l’automne 2010. Bientôt l’hiver est là ; le prunus reçoit des boules de graisses, puis des cylindres de graines diverses. D’autres oiseaux commencent aussi à fréquenter notre jardin : rouge-gorge, pigeons, tourterelles et mésanges charbonnières. Plus tard nous verrons arriver un geai de passage, attiré par les glands du chêne, puis des étourneaux,  des pinsons et un verdier d’Europe bébé.

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Pour fidéliser la mésange charbonnière, le prunus s’enrichit d’un cylindre aux cacahuètes et d’un nichoir fait maison.

Alors peut commencer le portrait des oiseaux avec qui nous partageons le jardin, car parfois, il nous faudra tout de même leur rappeler que nous sommes  aussi chez nous.

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à suivre…

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le jardin, le texte et les photos: Maïté L

avec la participation des oiseaux, en toute liberté.

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Pour faire le portrait d’un oiseau

 


Peindre d’abord une cage
avec une porte ouverte
peindre ensuite
quelque chose de joli
quelque chose de simple
quelque chose de beau
quelque chose d’utile
pour l’oiseau
placer ensuite la toile contre un arbre
dans un jardin
dans un bois
ou dans une forêt
se cacher derrière l’arbre
sans rien dire
sans bouger…
Parfois l’oiseau arrive vite
mais il peut aussi mettre de longues années
avant de se décider
Ne pas se décourager
attendre
attendre s’il le faut pendant des années
la vitesse ou la lenteur de l’arrivée de l’oiseau
n’ayant aucun rapport
avec la réussite du tableau
Quand l’oiseau arrive
s’il arrive
observer le plus profond silence
attendre que l’oiseau entre dans la cage
et quand il est entré
fermer doucement la porte avec le pinceau
puis
effacer un à un tous les barreaux
en ayant soin de ne toucher aucune des plumes de l’oiseau
Faire ensuite le portrait de l’arbre
en choisissant la plus belle de ses branches
pour l’oiseau
peindre aussi le vert feuillage et la fraîcheur du vent
la poussière du soleil
et le bruit des bêtes de l’herbe dans la chaleur de l’été
et puis attendre que l’oiseau se décide à chanter
Si l’oiseau ne chante pas
C’est mauvais signe
signe que le tableau est mauvais
mais s’il chante c’est bon signe
signe que vous pouvez signer
Alors vous arrachez tout doucement
une des plumes de l’oiseau
et vous écrivez votre nom dans un coin du tableau.

 

Jacques Prevert

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à suivre…

 

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Flots d’argent, flots d’amant

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Aujourd’hui encore, j’avais décidé

D’être vague avec les vagues,

Géographies des sables

Et vent dans le vent

Lovée au creux de la corbeille

Qui crépitait d’argent en son sein éclatant

Qui rugissait dans sa danse nuptiale

De mille pépites ajoutant à la métamorphose

Du Petit Poucet en géant,

Point de vagues, un tiret, à la ligne.

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Aujourd’hui encore, pourquoi

Ne pas être océan avec l’océan

Mon tendre et fougueux amant.

Alors, mettre les pas dans les tiens est un jeu

Guetter les flots argentés et tous leurs feux

Est une douce passion qui fait briller

Les yeux, les cheveux et les mains aux doigts d’algues.

Et voici que soudain s’animent et revivent en écho

Les  émois et les instants si fragiles;

Les yeux dans les yeux viennent buter à la confluence,

Là où cèdent les marées profondes et coléreuses.

Pour un baiser salé à la barbe bleue d’écume,

Pour un déroulé sauvage à mes pieds

Pour un rideau de fines illusions

Pour une caresse de tes embruns enchâssés,

Je donnerais des heures et des regrets  sans compter.

De loin en loin un bois et mille pas

où ne parviennent pas tes assauts

Un bois encore et des pas étouffés

Comme des bornes jalonnent

Les jours sur  le calendrier des instants perdus.

Ce soir encore je suis la dune au ventre rebondi

La mer mettant le sable au pilori

Ce soir je suis tambour des sables

Et son écho toqué d’océan et de marées grandiloquentes

Je suis le vent et le cerf-volant

La nageuse nue de février

Et les passants frigorifiés

Je suis le chien fou, ivre de draperies agitées

Je suis les baigneurs d’août en mai

Et sur ma croisette arpentée

Sur le sable craquelé et concédé par la mer et son avancée

Derrière mes lunettes foncées bien cachée,

Au jour d’aujourd’hui c’est décidé

J’épouse en secondes noces de l’océan l’éternité.

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et je sème  des cailloux pour que perdurent nos traces

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photos et texte: Maïté L

à tous mes lecteurs: je ne vous oublie pas, mais par ici on célèbre le printemps et les jardins.

J’ai donc fait le tour de mon jardin  pour décorer mon chapeau avant de rejoindre ceux de la Maison de quartier où je donne un peu de mon temps. Là-bas on parle oiseau et d’ici quelque temps, je vous raconterai;  de plus  des jardins un peu extraordinaires y ont été aménagés.

Ne soyez donc pas étonnés si je vous visite un peu moins ces jours-ci: mes journées sont trop courtes.

Mais je pense à vous et je vous souhaite un bon we.


J’ai descendu dans mon jardin

pour y cueillir

Quelques roses pompons

le feuillage léger de la coriandre

des fraises de décoration

deux fleurs de la passion,

mais j’ai dérangé  les fourmis!

une coccinelle s’est accrochée à la paille

tandis que volait au vent le ruban aux coquelicots

comme ceux de mon jardin.

je suis partie rejoindre les elfes et les lutins

les carrés de plantes qui piquent et celles qui sentent bon

les haies fruitières

ou la cité des insectes

et sur mon chemin, j’ai rencontré plein d’oiseaux de toutes les couleurs

tous ceux qui peuplent nos jardins et font les délices des observateurs.

Maïté L

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« Il faudrait réécrire les livres d’histoire, car le seul point de vue de la terre y est exprimé.Or la mer façonne les paysages, les hommes , les sociétés.C’est elle qui apporte prospérité, drames ou  renouveau. Aujourd’hui encore, les hommes de tout bord continuent de l’ignorer, de l’oublier, de n’y voir qu’une manne, une attraction pour touristes.Mais la mer monte, elle gronde de toutes les souillures que nous lui infligeons sans même nous émouvoir. C’est notre amnésie et notre cécité qui la rendent dangereuse. »


Hugo Verlomme
, écrivain de mer.

Préface du livre KOSTA, la côte basque au fil des vagues, ERIC CHAUCHE. Préfaces de Hugo Verlomme et Peyo Lizarazu/ Textes de Guillaume Dufau et Willy Uribe

Editions Surf.2004

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Homme grenouille

disparaît, semblant englouti

virevolte, chevauche la vague;

En équilibre sur les crêtes

crève le mur d’eau

ou glisse quand explose l’écume.

Deux longueurs d’avance

pari presque gagné,

quatre  pas en arrière

et toujours renouvelé

l’impossible défi

face à la marée

l’Indomptée.

Nous, les hommes aux semelles de sable

et de plomb

ne pouvons que rêver

la chevauchée.

Chevaux d’écume

vagues transversales

hennissant de brume

levant l’écume

fièrement.

Et sur le sable

la rumeur va bon train

de lames, de grains

de ciels vagues à la dune.

Les hommes à la double peau noire

transis mais heureux

repoussent la nuit

A l’horizon du toujours.

habillés des dernières lueurs

quand la mer devient de velours

quittent le large

à regret,

les pieds absents.

Ne sont plus qu’os et flammes.

Les flots soumis pour quelques secondes

d’illusions sauvages

et nous pieds de sable

et de plomb

transis sur la dune

l’œil rivé aux flots,

aux planches

aux tourbillons.

Salut l’artiste

le prince

des défis

droit

comme un i

qui glisse vers la nuit

ignorant les profondeurs marines.

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Remerciements à l’Ecole de Surf du Cap Ferret et  à ses hommes « grenouilles »

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photos et texte: Maïté L

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A Vénéneux tirant de lune
Véhémence meurtrière de la nuit.
Conjonction de vent tentaculaire et de sel
Démence frontale à la folie des hommes.
Destruction. Anéantissement.
Inconscience derrière les digues fatiguées
Les digues abandonnées.
Rouleaux à grand train de laboureurs fouisseurs
Murs aveugles incompressibles, au galop lancés
Et des vies, des vies noyées

Tant de vies livrées à la folie humaine

La mer est revenue sous Brouage.
L’île coupée en trois.
Partout, partout, partout,
Seuls les toits émergent à perte d’eau et d’eau
Les sans-toit. Les Sans- travail. Les Sans-Papiers
Les Sans-famille qui ont sombré.
Folie du profit. Folie immobilière.
Est-ce la mer qui a reconquis?
Est-ce la terre qui a sué la misère?
Vénéneuses fleurs de lune et de marée ont frappé.
Douleur. Pleurs. Dignité.
Rêvé.Cauchemardé. j’ai suffoqué.

Tempête de mer

Tourments de terre

tempête de terre

les plaies amères.

Le 2 mars 2010,

coefficient de marée 116.

Souvenons-nous de  la Faute-Sur-Mer.

Maïté L

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Les photos ont été prises ce soir où tout se jouait en noir et eau, en déferlantes et pleurs, en vies arrachées aux bords de mer.

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De temps en temps, il arrive que dans le livre de la mer il y ait des pages moins plaisantes…

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La mer n’est pas une poubelle

Prenons bien soin d’elle. 

 

Sur le sable ébouriffé
Tout griffé

Toutes sortes de déchets
Sont venus s’échouer.

L’océan les a vomis:
Deux troncs  même pas pourris

Cinq doigts seulement d’un faux loup de mer
Un gant de caoutchouc nous laisse amers

Deux briquets privés d’étincelles
Et une multitude de rondelles

Des bouts de filets, c’est logique
Et bien plus grave du plastique

Des bouteilles livrées à la marée
Des bidons et des poches accrochées

Et les 4×4 sans vergogne ont labouré
Le sable et sur la dune, s’en sont allés

Les nouvelles fraîches sur le journal que voici

Il y aurait du saumon : c’est une plaisanterie! 

 

Et puis de temps en temps la moitié  d’un coquillage
Ici il a fini son voyage

Une algue, signe de vie
Comme une respiration, quelle ironie!

La mer n’est pas une poubelle
Prenons grand soin d’elle!

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*******Maïté L

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Sur les plages atlantiques
Traînent les déchets
hétéroclites ou plastiques
perdus ou abandonnés
par l’activité des hommes
Les vagues les ont déposés.
D’autres encore sont ballotés
dans les abîmes des flots,
entrainés par les courants
jusqu’à un dépotoir de plastique
Je veux parler des Sargasses
Cette mer aussi grande
qu’un pays comme la France.
Dans mon enfance
maman disait que les civelles
depuis une mer lointaine
remontaient l’océan
dans une traversée incertaine
Pour peupler nos étangs :
Je ne savais rien d’elles
préférant conserver
le mystère de la vie,
entre mer océans et étangs
signe rassurant des cycles de vies
depuis le commencement.

 

Hélas l’homme dans la course
au progrès parfois pour sa survie
bouscule l’ordre naturel.
Il puise dans les ressources
d’un monde qu’il croit infini.
A son sillage traînent les casseroles
des industries chimiques ou atomiques
aux effets additionnels
Sous une chape de plomb
Continue la société de consommation
qui à coup de lobbying
distille son poison mortel
C’est ce qui me désole !

SERGIO

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UN LIEN POUR LA DÉFENSE DE L’OCÉAN:

 

http://www.dailymotion.com/video/xofbhi_la-mer-n-est-pas-une-poubelle_creation

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Printemps de pépins amers

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La mer du dimanche
a soulevé ses jupons d’écume.
Aux notes lancinantes
du vent suintant colère
Elle a lancé ses virgules
et ses points en suspension.
Elle a accroché le printemps
au porte-manteau de sa dune
ramassé deux ou trois plumes
qui rêvaient sur ses flots
et fait naviguer ses oripeaux;
Bouteilles à la mer
plastique et déchets d’hiver.

Et sur la terre
me direz-vous?
Il pleut du verre et de l’amer

Les bras de la mer

Rejoignent les bras de pleine-nuit

Tordent les mains de ta vie

Quand les yeux dans tous les nids

Cherchent le fil des humaines pensées

Que les mots d’airain résonnent

Et arment les consciences.

Il pleut du sable et des armes

Il pleut des cadavres à bout portant

Il pleut des jeunesses fauchées

Avant le temps des blés,

Il pleut désespoir.

Avant l’espoir de renouveau

Chaque printemps apporte son lot

De fulgurances

De flammes jaillies des yeux

Chaque printemps apporte son lot de rancœurs

Et de larmes qu’on voudrait oublier

Sur terre comme en mer

Les pauvres les oubliés

Epousent l’amertume

Et fièrement dressés

Devant les flots

Montrent leur dignité.

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La mer suintant colère

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Maïté L

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« Les phrases sont de la même étoffe que la mer, tissées par le même mouvement de navette qui trame le proche et le lointain, commençant,finissant toujours, sur la page pareille à la côte où le large reprise ses ourlets. »

Jean-Michel Maulpoix (Une histoire de bleu).

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Plume d’oiseau, plume d’océan
J’ai cueilli ton image au passage.
Veux-tu peigner l’océan qui ondule

ou bien écrire son histoire?
L’entends-tu mugir
et venir lécher le sable

Pour que tu lui rendes hommage?

Il est là; à la barbe de ton dessin souple.
Destin lié au vent,
quand t’es-tu soumise
à la caresse des grains

A la caresse du sable?
Légèrement posée, tu frémis
et tu trembles.
Jamais plus tu ne voleras ?

Tu flotteras peut-être,

Plume légère, plume blanche:
Deux pas en avant, tu hésiteras

Trois pas en arrière, tu ne seras pas fière.


Certains pourraient te croire frêle
mais ce n’est qu’illusion
et dessin  posé délcatement
entre océan et dune


tu es

juste le jeu d’une ombre

Juste le jeu d’une plume.

 

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Maité L


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« Mon plaisir, tu le sais, fut d’aller sur la mer à petits pas.
Je suis resté des heures à discuter seul avec elle, la sourde et la causeuse, la brusque et la très tendre, la bavarde incompréhensible, l’insistante, l’obstinée, la toute-puissante qui se termine en friselis, la marchande d’horizons qui n’a rien à nous vendre et distribue son bleu à qui ouvre les yeux, celle qui ne cesse par vagues de nous rejoindre et nous rejoindre encore, la  bienvenue si séparée qui s’ouvre et se referme. Venue non pas pour se donner mais pour  nous contraindre  à entendre quelle bizarre condition est la nôtre, vouée aux rivages, aux terrasses, lorgnant toujours vers le grand large, y voguant, y nageant parfois, ivres de notre sac de peau, mais seuls avec ce poids de chair, ce coup au coeur de crayon bleu, ces gestes vains d’amant ou de noyé, immergé dans la surdité du dieu venu frotter contre la côte un peu de son immensité »

Jean-Michel Maulpoix  « Une Histoire de bleu suivi de L’instinct de ciel »

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Ce jour-là le ciel était à la gribouille. Il faisait orage sur les terres et sur la dune; côté océan le bal des reflets se jouait  sous ciel épais, virevoltant, tonitruant.

Ce jour-là au Grand Crohot, il y avait des bleus de jour, des couleurs coup de poing dans les nuages, des nuances sur le rivage et sur la plage , pas à pas les reflets. Tout est une question de distance , de regard, de chant des éléments. Bien encapuchonnée, le soir pouvait venir. il y aurait du soleil en transe.

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Photos Maïté L pour les deux premières. Photo J L pour la troisième.

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